Neige, rues illuminées, rêves de tables bien garnies et passants qui se pressent : c’est la féerie des fêtes de fin d’année. Le soir de la Saint-Sylvestre, tout y est, dans le célèbre conte d’Andersen, La Petite Marchande d’allumettes.
À redécouvrir dans un ouvrage de la bibliothèque rose illustrée : Contes d’Andersen, Hachette, 1907, ou dans une version illustrée de 2005, disponible sur plusieurs sites du réseau. On espère cependant que votre soirée sera moins froide et se terminera plus agréablement !
En 1845, Hans Christian Andersen est le conteur officiel de la famille du duc d’Augustenborg. Il reçoit une lettre accompagnée de 3 illustrations, lui demandant d’en choisir une… et de créer une histoire.
La petite marchande d’allumettes est née, inspiration mêlée de cette gravure et du souvenir de la grand-mère de l’auteur, une femme très pauvre qui, elle non plus, n’avait pas toujours de quoi manger.
Notre petite fille marche, pieds nus, dans la neige, tente en vain de vendre quelques allumettes aux passants pressés, histoire d’avoir quelque chose à ramener chez elle. N’ayant pas réussi, et ayant très froid, l’héroïne se décide finalement à craquer ses allumettes, et si cela ne suffit certainement pas à la réchauffer, elle profite ainsi, dans sa misère, d’un peu de rêve et de réconfort.
“Elle en frotta une seconde, qui brûla, qui brilla, et, là où la lueur tomba sur le mur, il devint transparent comme une gaze. La petite pouvait voir jusque dans une chambre où la table était couverte d’une nappe blanche, éblouissante de fines porcelaines, et sur laquelle une oie rôtie, farcie de pruneaux et de pommes, fumait avec un parfum délicieux. Ô surprise ! ô bonheur ! Tout à coup l’oie sauta de son plat et roula sur le plancher, la fourchette et le couteau dans le dos, jusqu’à la pauvre fille. L’allumette s’éteignit : elle n’avait devant elle que le mur épais et froid.”
Christine Ferber et Philipe Model, dans leur Cuisine des fées, ont donc tout naturellement imaginé la recette de l’oie rôtie aux pruneaux, les poires remplaçant ici les pommes. Une recette à commencer dès aujourd’hui pour la servir demain soir ! Peut-être n’avez pas d’oie à faire rôtir, ou de four assez grand, pour réaliser à la maison le rêve de la petite fille. Si vous souhaitez cependant évoquer de façon gourmande ce conte le soir du réveillon, Christine Ferber et Philippe Model vous proposent des allumettes au sucre. Comme d’habitude, les recettes sont précédées d’un extrait du conte.
Pour l’auteur, Hans Christian Andersen, cette histoire était peut-être moins tragique qu’on ne le pense aujourd’hui, nous qui n’avons plus tellement l’habitude des histoires qui finissent mal, surtout quand il s’agit de ces contes que nous estimons – souvent à tort – “pour enfants”. En effet, voici comment Andersen achève son court récit :
“Tout le monde ignora les belles choses qu’elle avait vues, et au milieu de quelle splendeur elle était entrée avec sa vieille grand’mère dans la nouvelle année.”
De nombreuses versions et interprétations existent, plus ou moins connues, plus ou moins tragiques. Disney a bien sûr choisi, pour son court-métrage de 7 mn de 2006, La petite Fille aux allumettes, d’ajouter une fin heureuse. Autre version cinématographique, La Petite Marchande d’allumettes de Jean Renoir, un film de 1928 que je vous recommande pour les longues soirées d’hiver – ou quand vous voulez.
Côté albums, Tomi Ungerer, connu surtout pour ses Trois brigands, livre une version intéressante avec Allumette, l’histoire d’une pauvre petite fille ignorée par les passants, qui essaie de vendre ses allumettes… certes, mais qui décide de créer une chaîne d’entraide pour les personnes aussi démunies qu’elle. La petite marchande d’allumettes reprend le texte original du 19e siècle, mais les illustrations de Georges Lemoine transposent le conte à Sarajevo, racontant la souffrance d’une enfant dans un pays en guerre. Tout comme Andersen, Lemoine a été inspiré par une image et par les contes de son enfance :
“…un jour, le visage d’une petite fille bosniaque retenue prisonnière dans la ville assiégée, entre 1992 et 1995, s’est imposé à moi comme symbole d’une enfance victime de la folie barbare des hommes […]
l’innocente inconnue rejoignait dans la souffrance sa sœur jumelle…”
Finalement, en cette veille de Saint-Sylvestre, notre petite marchande, déjà vieille de près de 200 ans mais n’ayant pas pris une ride, incarne toujours un rêve de chaleur et de solidarité.
Marie
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