Son eau est douce, agréable, moins sucrée que dans beaucoup d’autres Prunes ; son noyau petit, tendre, ne tient point à la chair. La Mirabelle est très bonne crue, mais surtout, quoique petite, fort éstimée pour les compotes et les confitures ; elle mûrit à la mi-Juillet. Pomona Franconica, tome 1, p. 124
Malgré l’automne qui s’installe, il y a des solutions pour rester dans l’insouciance de l’été… grâce à la cuisine bien sûr ! Après les glaces, les mirabelles, dont l’étymologie semble incertaine mais je souscris à celle de l’origine latine mirabilis qui signifie “belle à voir”.
La mirabelle est une petite prune qui est de couleur d’ambre quand elle est meure ; sa figure est ovale, sa chair fine & fondante, son eau très-sucrée, elle quitte le noyau ; il y en a de deux sortes, la grosse & la petite : elles sont toutes les deux d’une égale bonté.
C’est ce que nous dit Joseph Gillers dans son Cannaméliste en 1768 (2e édition). La production française et même mondiale de mirabelles étant essentiellement lorraine (Vive la Lorraine ! Caroline tais-toi, tu es bourguignonne désormais), j’ai bien sûr de suite vérifié si ce livre paru à Nancy en parlait. Bingo !
A l’article “prune”, on apprend qu’on “les sert cruës, en pyramides sur des drageoires que l’on pose sur des gobelets ; on les confit ; on en fait des compotes, des marmelades, des pâtes, des neiges & fruits glacés.” Et une astuce conservation :
L’auteur cite le gros Damas de Tours, la prune de Monsieur, les Damas rouge, blanc, violet ou d’Italie, la Diaprée, l’Ile verte, la Royale, la Sainte-Catherine, le Drap-d’or, les Perdrigons violet ou blanc, l’Abricotée, l’Impériale et la Dauphine mais consacre des paragraphes bien plus développés à la mirabelle et à la reine-claude, prunes les plus connues aujourd’hui encore.
Vous voyez ci-dessus un autre livre ancien utile sur notre mirabelle : Pomona Franconica, Description des arbres fruitiers, les plus connus et les plus estimés en Europe, qui se cultivent maintenant au jardin de la cour de Wurzbourg, publié par le jardinier Jean Mayer en 1776, en bilingue français-allemand.
Lorsqu’il languit, on peut, selon la pratique des anciens, le ranimer, en découvrant les racines et y versant de tems en tems de l’urine de Porc. Palladius conseille pour la même fin un mélange d’eau et de lie de vin ; ou de la vieille urine d’homme mélée en partie égale avec de l’eau ; ou enfin, des cendres de bois, surtout de sarments de Vigne : mais toute éspéce de fumier y sera tout aussi utile. tome 1, p. 85
Après une grande introduction sur les jardins, l’auteur passe en revue les différents fruits, avec une grande partie consacrée aux prunes : il évoque d’abord l’étymologie, l’histoire, l’aspect et les différentes parties de l’arbre, la description des fruits, les lieux et terrains où ils poussent, des conseils d’entretien, de taille, de semence, greffe… puis passe au goût, aux différentes variétés (vous trouverez une liste de plus de 200 prunes, aux noms plus ou moins poétiques : citron, cœur de bœuf, datte violette, diaprée écarlate, grosse rougeotte, haute bonté, de miel, de Noël, noire tardive, de paradis, rognon de coq…).
Et bien sûr admirez ces jolies tailles-douces mises en couleur.
Bon, le jardinage c’est bien mais n’oublions pas la cuisine.
Le fonds gourmand de la bibliothèque dispose de quelques ouvrages sur la mirabelle, la plupart édités en Lorraine.
Les mirabelles, une aventure lorraine et Mirabelles, l’or des vergers lorrains vous permettront de tout savoir sur l’histoire du fruit, sa cueillette, son économie, ses fêtes, ses utilisations… Le livret “Mirabelles Pruneaux” du coffret La Boîte à fruits vous donnera quelques idées mais c’est surtout Mirabelles au dessert qui vous sera précieux avec de bonnes idées d’association de la mirabelle comme, par exemple, le vin jaune, le macaron, la bergamote, l’amande, l’orange confite ou encore le pain d’épices ; quelques recettes : diplomate de stollen et mirabelles aux épices de Noël, crêpes Condé à la mirabelle et sirop d’orgeat, nage de mirabelles au vin de paille et brisures de macarons.
Pour finir, ma recette personnelle de la tarte à la mirabelle : saupoudrez votre pâte (brisée) de semoule fine et de poudre d’amandes, disposez les mirabelles, parsemez de petits morceaux de beurre, recouvrez le tout d’un mélange de sucre de canne, de sucre muscovado et de vanille en poudre et terminez par une lichette d’alcool de mirabelle.
Et une idée de dessert en Lorraine dans un petit village de Meuse réputé pour ses vergers de mirabelliers : le soufflé glacé à la mirabelle du restaurant du Lac de Madine à Heudicourt-sous-les-Côtes… on vous sert tout ce que vous voulez…
Caroline
La Mirabelle de Lorraine est également utilisée pour la beauté du corps, en “crème-douche”.
Me permettez-vous une anecdote personnelle et intime?
N’ayez crainte Caroline, je n’irai pas jusqu’à dévoiler que votre fils aîné s’est déjà fait un petit canard à la mirabelle!
Ou que sa grand-mère désinfecte les couvercles de pots de confiture avec de la mirabelle à 50°!
Non. Je vais évoquer CAVANNA à qui j’avais envoyé quelques douceurs lorraines pour le remercier d’une préface.
Dans le colis lorrain, parmi les douceurs sucrées, il y avait un litre de mirabelle que m’avait donné un vieil ami meusien, bouilleur de cru. Je ne doutais pas un seul instant que le litron ferait merveille auprès de ses potes, Cabu, Gébé, Willem, Wolinski, Delfeil de Ton et Siné.
Un jour, je reçus une lettre de remerciement qui se terminait ainsi:
La mirabelle est une très grande chose!
Avec toute mon amit -hip!- ié.