Cette année, cela fait vingt-cinq ans que les éditions de l’Epure impriment leur patte si particulière dans le monde de l’édition culinaire. Cette maison d’édition, d’abord dédiée aux arts de la création (beaux-arts, architecture, peinture, sculpture, etc.), a, en se tournant ensuite vers les arts de la table, gardé cet amour de l’objet-livre et du travail artisanal. Ce travail de la forme, accompagné d’un souci important du texte, n’a pas échappé à Edouard Cointreau, qui décerne en 2008 aux Editions de l’Epure le prix du meilleur éditeur au Gourmand World Cookbook Awards ainsi que celui de la meilleure série de livres de cuisine en 2009 pour la collection « Dix façons de préparer ».
Sur ce modèle, voici dix bonnes raisons de souhaiter que cela continue.
- L’Epure a su mettre en place une signature de qualité : les ouvrages sont immédiatement reconnaissables (reliure en fil de lin, papiers vergé, velin, stone, brillant…vous sentez mon côté bibliophile qui ressort, pas vrai ?)
- Pour l’originalité de ton : pour preuve, l’un des petits derniers de la maison, Vous les avez aimés, mangez-les (cf ci-dessous, vous allez être surpris).
- Rien que l’aspect des ouvrages donne envie de tout acheter et de les mettre dans sa bibliothèque en présentation de face pour en mettre plein la vue à ses invités
- La maison insiste sur une fabrication de grande qualité (tout est de fabrication française depuis leurs débuts), un design sobre mais élégant
- Pour les puristes qui aiment massicoter eux-mêmes les pages (si, si, on vous a repérés)
- Pour avoir remis au goût du jour la thématique ingrédients avec la collection « 10 façons de préparer… ». 10 façon de préparer quoi, alors ? Les algues, l’abricot, le carré frais, le coeur, la langue, et même la miche de pain et l’air, plus de 270 titres pour varier les plaisirs autour d’un ingrédient, le tout en 24 pages et 10 recettes et, à rebours de l’édition culinaire actuelle, sans illustration
- Pour avoir fait dialoguer cuisine et arts
- Pour le prix aussi, qui reste raisonnable
- Pour la diversité des auteurs : artistes, peintres, comédiens, musiciens, et même pharmaciens et obstétriciens
- Parce que ça fait 25 ans que ça dure, donc c’est une recette qui marche !
La preuve par 5 exemples
Au diététisme roi des magazines, à la dictature hygiéniste et au nouveau “clergé bio”, les éditions de l’Epure répondent par L’excès : dix façons de le préparer, ou comment remettre la gourmandise et la figure du gastronome bon vivant au goût du jour, tel un Grimod de la Reynière ou, plus proche, un Gérard Oberlé (dont Caroline vous reparlera). Dans cet élégant opuscule recouvert de papier ardoise brillant, les côtes de bœuf sont forcément somptueuses, les saumons de “taille respectable”, c’est-à-dire 4 ou 5 kg, les ailerons de poulet arrachés de façon voluptueuse, et les cocktails se dégustent sous l’ombre bienveillante d’Hemingway. De quoi festoyer façon Paris est une fête ou autour d’une coquelle en fonte géante contenant un gigot pour quinze !
Ne vous laissez pas avoir par les couleurs et le graphisme ludique de Wild food : les nourritures féroces de Martine Camillieri. La plasticienne, alarmée par les constats qu’elle a pu faire sur la nourriture vendue dans les publicités ou au supermarché par l’industrie agro-alimentaire, a entrepris de transposer ces aliments en objets en plastique et les a affublés de slogans publicitaires. Ainsi, l’emmental, figuré par une brique Lego, se transforme en fils de scoubidous après être passé à la râpe. De même, les tranches de jambon sous vide deviennent couvercles de boîtes en plastique rose bonbon et le pain a une texture d’éponge, comme chez Francis Ponge. Vous reprendrez bien un peu de poison ?
“Tu m’as nourri et choyé pendant toutes ces années. Je suis vieux et, comme tu le dis souvent, les temps sont durs… Alors si je peux, à mon tour, te rendre un peu du bonheur que tu m’as donné je le fais avec grand plaisir. Je te le dis tout simplement, mange-moi.”
Aux éditions de l’Epure, on trouve une collection intitulée “Hors collection”, là où les livres ne rentrent dans aucune case, où l’on laisse carte blanche à l’auteur. Vous les avez aimés, mangez-les est de ceux-là. L’auteur, Pascal Rémy, ne remet pas en cause l’amour que nous portons à nos amis les chats, chiens et cochons d’Inde, loin de là, et propose des recettes à base d’animaux domestiques, pour les périodes de disette : civet de chatons (mon préféré), colombes à la grecque, saint-Bernard à la savoyarde, le tout avec des illustrations qui rappellent les plus beaux livres de recettes Tupperware des années 1970. Derrière le ton volontairement provocateur (la préface est un petit morceau de bravoure) se caché néanmoins une vraie réflexion sur notre rapport à la nourriture et notamment à la viande : on cuisine du cheval mais pas du chien, on gave les oies mais pas les hamsters… L’auteur mentionne également les conditions d’élevage parfois déplorable des volailles et des porcs.
Dans la même collection, on trouve un ouvrage tout aussi cocasse : Des desserts pas très catholiques de Prosper Codaque :
“Le péché de gourmandise est bien le moindre défaut de ces gens d’église, car ils sont souvent passés par des vies dissolues avant de trouver le droit chemin et d’entendre les voies et voix du seigneur”. 22 pâtisseries et clins d’œil au monde clérical (les pets de nonne, le sang du Christ ou réinterprétation du vin de messe…), accompagnés d’histoires truculentes et de photographies en noir et banc non dénuées d’humour. A déguster sans modération, même pendant Carême !
Enfin, cessez de considérer votre mandoline comme un instrument de torture créé pour vous taillader les doigts et votre vide-pomme comme un gadget servant uniquement à…vider une pomme. Sonia Ezgulian (la cuisinière) et Martine Camillieri (la plasticienne), deux des auteures phares de l’Epure, ont créé dans Du bon usage des ustensiles 50 variations audacieuses autour des ustensiles que vous pouvez posséder dans vos tiroirs, suivant cinq prismes : les râpes, les trous, les presses, les moules et les extraterrestres.
Et, à titre personnel (quoique…), j’attends avec impatience que Marie achète pour le fonds gourmand le petit nouveau, L’art de saucer. Oui, oui, parfaitement, préparer ses mouillettes pour accompagner un oeuf à la coque, saucer son assiette après avoir terminé sa viande, c’est tout un art, n’en déplaise à la famille Rothschild !
Mathilde
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