Imprimer cet article Imprimer cet article

Le croque en bouche Happy Apicius, un gâteau à croustiller !

Share Button

Les petits chanceux qui seront / sont présents à la bibliothèque lors du Happy samedi pour les gourmands le 10 octobre à l’occasion de l’anniversaire du blog pourront /peuvent découvrir (et déguster !) le gâteau créé par Pierre Hubert pour l’occasion.

Ce gâteau, il est né comment ?

Pierre Hubert-croquembouche-rouge © V.Arbelet

fraise & huile d’olive

En plus des duos cuisinier/blogueuse, nous voulions créer notre propre duo avec un pâtissier. Et quoi de plus logique pour nous que de faire travailler ce pâtissier sur une recette ancienne ? Il ne s’agissait pas ici de cuisine historique expérimentale mais plutôt de soumettre des recueils anciens à Pierre Hubert pour voir ce qu’ils pouvaient lui inspirer.

Après quelques discussions, nous avons restreint le champ (presque) infini des possibles à deux grands chefs du 19e siècle : Antonin Carême et Jules Gouffé. Grâce aux miracles du web et de Gallica – la bibliothèque numérique nationale -, notre pâtissier a pu tranquillement lire leurs recettes ici (Carême, Le pâtissier royal parisien, 1815, tome 1), ici (le tome 2),  ici (Gouffé, Le livre de pâtisserie, 1873) et ici (Gouffé, Le livre de cuisine, 1867).

Très vite, le choix de notre partenaire s’est porté sur le croquembouche (ou croque-en-bouche selon les ouvrages) qui est en effet à lui tout seul un petit condensé de ce qu’est la pâtisserie de ce siècle : une pièce montée, très visuelle, un socle, de la couleur !

Et si je veux en goûter ?

Pierre Hubert-croquembouche-vert © V.Arbelet

framboise & pomme verte

Quelle chance !

Pierre Hubert poursuit l’expérience et commercialise le croque en bouche Happy Apicius dans ses trois points de vente dijonnais.

Attention, la vente n’a lieu que les samedis 17, 24, 31 octobre et 7 novembre dans un ordre encore inconnu :

  1. fraise – huile d’olive
  2. cassis – citron
  3. pomme verte – framboise
  4. pêche de vigne -rose

La boutique est au 31, rue des Godrans à Dijon.

L’histoire du croquembouche 

Pierre Hubert-croquembouche-jaune © V.Arbelet

citron & cassis

S’il est toujours difficile de savoir qui est l’inventeur d’un gâteau et de connaître la date de la première utilisation d’un nom de plat, on peut cependant assurer que le croquembouche est une pâtisserie qui se développe au 19e siècle. Une rapide recherche dans quelques grands recueils du 18e siècle (Menon, Massialot, Gilliers) ne trouve aucun gâteau de ce nom même si la pâte à choux est bien sûr déjà présente, ainsi que les choux farcis (petits choux de confiture de Menon par exemple) et même si le croquembouche “à la Soubise” est censé dater de ce siècle.

Le grand Antonin Carême passe pour l’inventeur de cette pâtisserie mais on en trouve une recette en 1814 dans L’Art du cuisinier d’Antoine Beauvilliers. La première mention chez Carême date de 1815 dans son Pâtissier royal et parisien dans la partie sur les “grosses pièces de fond” avec les recettes du croque-en-bouche ordinaire, du croque-en-bouche à la parisienne et du croque-en-bouche à la reine, puis dans la partie sur les “grosses pièces et les entremets montés” avec la recette de cinq croque-en-bouche  : de quartiers d’oranges (n° 1 de l’image ci-dessous), de génoises au gros sucre (n° 3), de feuilletage à blanc, de marrons glacés au caramel (n° 4), de noix vertes glacées au caramel (n° 9). On retrouve ces recettes dans l’édition de 1841 conservée à la bibliothèque de Dijon.

Carême-planche-32

Carême. Le pâtissier royal et parisien. 1841, BM Dijon FD I-1742. planche 32 présentant des croquembouches (n° 1 – 3 – 4 – 9)

L’on y découvre ainsi qu’à l’époque, ce gâteau peut être composé de petits choux mais aussi d’autres bases comme la génoise, les croquignoles et divers fruits que l’on monte et que l’on couvre de caramel. Toutes ces recettes sont celles de gros gâteaux et non de pâtisseries individuelles.

Le dénominateur commun est que ça croque ! grâce à un glaçage au sucre “au cassé” et que le gâteau est monté sur un moule pour lui donner une dimension spatiale. Comme dit Carême:

“les petits choux qui le composent [il parle de son croque-en-bouche à la reine] sont très aimables à croustiller” !

Les choux de Carême pour cette recette sont faits avec la pâte qu’il utilise habituellement pour les croquembouches de choux, une pâte à choux enrichie d’amandes et de sucre, mais les choux sont d’abord cuits dans l’eau bouillante puis sautés au beurre pour enfin passer au four à chaleur douce. (p. 344 du Pâtissier royal et parisien de 1815). Les choux sont généralement teintés de rose (avec de la cochenille) ou de safran.

Ses autres croquembouches sont à base de croquignoles (avec une coupe de crème fouettée à la vanille sur le dessus), de génoise que l’on découpe à l’emporte-pièce, de feuilletage coupé en anneau et rempli de cerises ou de verjus (raisins), et de fruits, quartiers d’orange, marrons ou noix vertes glacés au caramel.

Dans ce même ouvrage, deux planches nous donnent une idée de l’allure des croque-en-bouche de Carême.

Gouffé-planche

Gouffé. Le Livre de pâtisserie, 1873. BM Dijon, FD III-134. A droite le croquembouche d’amandes et de pistaches

Gouffé-croquembouche-génoise

Le croquembouche de génoise de Gouffé.

Mais c’est dans Le livre de pâtisserie de Gouffé (1873) que notre imagination peut fonctionner à plein puisque ses planches sont en chromolithographie et donc en couleur. On peut y voir le croquembouche de génoise avec ses anneaux remplis de cerises et de verjus et le croquembouche d’amandes et de pistaches. Gouffé propose lui aussi de nombreuses recettes :

  • un croquembouche de choux ordinaires,
  • deux autres avec des choux remplis de crème saint-honoré à la vanille, glacés et trempés dans des pistaches hachées,
  • ou des choux garnis de marmelade d’abricots. Lui aussi privilégie la couleur rose pour le glaçage.
  • Dans une autre recette, il donne à sa pâte à choux la forme de gimblettes (anneaux) qu’il garnit de cerises ou verjus confits.
  • La suivante est celle du croquembouche de génoise au kirsch et au chocolat : la génoise est coupée en petits losanges qui sont glacés soit au chocolat soit au kirsch teinté de rose que l’on alternera au montage.
  • Une autre est faite d’anneaux de génoises glacés à l’anisette, blancs et roses, parsemés de sucre et remplis de cerises pour les blancs et de verjus pour les roses
  • Il propose encore un croquembouche de gimblettes en pâte d’amandes (glacées à la glace royale au marasquin colorée de rose ou de blanc puis garnies d’abricot confit ou d’angélique),
  • un autre de gimblettes en meringue à l’italienne garnies de fondant aux fraises ou aux pistaches,
  • un autre de “génoise avec sucre d’orange” colorée de rose et de blanc et agrémentée de pistaches.
  • Les cinq dernières recettes sont constituées de fruits : pâte d’abricot, oranges-reine-claude-abricots confits, oranges-cerises confites, marrons ou choux-cerises.

Ci-dessous trois croquembouches de Gouffé : les croquembouches de pâte d’abricots, de génoise et d’oranges

Gouffé-croque-abricot Gouffé-croque-génoise Gouffé-croque-oranges

 

 

 

 

Quant à la recette de Beauvilliers en 1814, il s’agit de tout petits choux (“pas plus gros que le bout du petit doigt” dit-il) à base de pâte royale (pâte à choux peu beurrée mais chargée en farine et parfumée d’écorce de citron vert et de fleur d’oranger) que l’on trempe dans du sucre “à la cuisson du boulet”.

Qu’en disent les dictionnaires ?

Pierre Hubert-croquembouche-violet © V.Arbelet

pêche de vigne & rose

Dans son Grand dictionnaire de cuisine (1873), Alexandre Dumas écrit  :

CROQUEMBOUCHE – On donne ce nom aux pièces montées qui se font  avec des croquignolles, des gimblettes, macarons, nougats et autres pâtisseries croquantes, qu’on réunit avec du sucre cuit au cassé et qu’on dresse sur une abaisse de feuilletage en forme de large coupe ; cette préparation n’est usitée que dans la décoration d’un ambigu d’apparât [sic] ou pour l’ornement d’un buffet de grand bal.

Il donne ensuite une recette de “croquembouche à la Soubise” qui se révèle être la recette du croquembouche à la parisienne de Carême expurgée de quelques longueurs !

Dans les dictionnaires de langue française, le mot ne semble pas apparaître avant les années 1860… bon, je ne les ai pas tous consultés mais j’ai quand même usé mes yeux sur une vingtaine de dictionnaires du 19e siècle pour ne trouver que quatre fois l’occurrence. Le Nouveau dictionnaire classique de la langue française de Bescherelle en 1865 donne une définition expéditive :

Croque-en-bouche, pâtisserie croquante de fruits glacés.

La même année, le Nouveau dictionnaire universel de Maurice Lachatre est plus précis :

Croquembouche. T. de pâtisserie. Préparation de croquignoles, de gimblettes, de nougats et autres pâtisseries croquantes. Croquembouche à la Soubise. Croquembouche de quartiers d’oranges, de marrons glacés au caramel, de noix vertes.

Le Dictionnaire de la langue française de Littré propose quant à lui, en 1873 et 1878, une définition que l’on retrouve quasiment à l’identique dans le Grand dictionnaire universel du 19e siècle de Larousse en 1869 :

Terme de pâtissier. Toute sorte de pâtisserie croquante, et, particulièrement, certains petits bonbons glacés qu’on met en ornement sur certaines pâtisseries. Des croquembouches bien faits.

Dans les éditions des années 2000 du Larousse gastronomique, la définition donnée est finalement celle du croquembouche des origines si ce n’est qu’on en précise l’usage contemporain le plus courant :

Pièce montée en forme de cône, constituée de petits éléments de pâtisserie ou de confiserie, rendus croquants par leur glaçage au sirop de sucre (d’où leur nom). Le croquembouche est généralement dressé sur un socle en nougatine. Il s’édifie autour d’un moule conique, appelé lui aussi “croquembouche”, que l’on retire par la base lorsque toutes les pièces sont bien fixées les unes aux autres par le caramel solidifié.

C’est un apprêt traditionnel des buffets et des repas de mariage ou de première communion.

Le croquembouche classique est fait de petits choux, fourrés ou non de crème (pâtissière ou autre) et trempés dans un sirop de sucre cuit “au grand cassé”. On réalise aussi des croquembouches avec des fruits déguisés ou glacés, des gimblettes, des éléments en pâte d’amande, en meringue, en nougatine. Les décorations sont multiples.

Et les menus ?

BMDijon-menus-M_IV_1-compresséNotre croquembouche apparaît une quarantaine de fois dans la collection numérisée en ligne qui compte quand même plus de 6000 pièces ! Le plus souvent il s’agit de repas de mariage et de communion.

La plus ancienne occurrence est un croquembouche de fruits glacés et date de 1862, lors d’un dîner officiel à Anvers (ci-contre).  Six autres sont du 19e siècle, les autres références s’étalent de 1902 à 1990.

Quant à la recette, le croquembouche simple domine mais on trouve quelques croquembouches à la crème, au kirsch, au chocolat, d’orange, monté sur nougat. Il existe même un croquembouche salé en 1993 noté “assiette de croquembouches sur lit de verdure”.

Et pour finir, les livres de cuisine d’aujourd’hui

Eh bien le tour est rapidement fait puisque la collection de la bibliothèque ne compte qu’un auteur qui ait publié sur le sujet, Daniel Chaboissier, avec trois livres consacrés aux croquembouches, La fantaisie des croquembouches, La farandole des croquembouches, et Croquembouches féériques et offrant des modèles détaillés pour toutes sortes de pièces en choux et nougatines avec les techniques de glaçage, découpe, montage.

Conticini-choux Marabout-PopeliniNous sommes beaucoup plus riches en livres sur les choux, cette petite pâtisserie ayant connu une grande mode ces derniers temps avec le fameux craquelin qui le recouvre désormais quasi systématiquement et la vogue des pâtisseries thématiques qui touche aussi les choux, citons Popelini à Paris et bien sûr Hubert à Dijon.

En voici deux particulièrement savoureux à lire et à feuilleter !

Celui de Philippe Conticini, Sensations choux, publié par La Martinière en 2014, travaille à renouveler la pâte à choux pour des sensations moelleuse (blinis, choux et céréales, farine de riz gluant), croustillante (baguettines croustillantes de riz au lait), fondante (biscuit choulant au chocolat), crémeuse (after choux, eight o’clock) et gros câlin (bourrelets de chou, miel et thym citron) !

Celui de Lauren Koumetz et Cyrille Robert pour Popelini chez Marabout, Chou à la crème, paru la même année, propose, après un chapitre sur les techniques de base (pâte à chou, pochage, croustillant, crème, glaçage, toppings), des recettes déclinées en choux classiques (chocolat, citron, caramel… mais aussi rose-framboise, chocolat-yuzu, violette-cassis, champagne…), choux du jour c’est-à-dire surmontés de chantilly (tiramisu, passion-framboise, cheesecake myrtille, vanille-figue…), choux spéciaux (ah le chou rocher, ça a l’air totalement divin !) et enfin les gâteaux de choux (saint-honoré, paris-brest, pièce montée).

Caroline

Commentaires sur les réseaux sociaux

Laissez un commentaire sur facebook

Commentaires sur les réseaux sociaux

4 Responses

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*Nom :


(Vos commentaires seront modérés)