Parmi les sorties en Bourgogne-Franche-Comté que l’on peut refaire chaque année, la Saline royale d’Arc-et-Senans occupe une bonne place ! Non seulement le lieu est incroyable mais l’institution y propose des animations régulières.
La saline, un lieu incroyable
La saline, installée dans la grande forêt de Chaux, devait compléter celle de Salins, devenue difficilement approvisionnable en bois (combustible nécessaire à l’extraction du sel par évaporation) et dont la rentabilité baissait, en construisant un établissement plus sécurisé face à la fraude, facilement surveillable et organisé rationnellement.
C’est l’architecte Claude Nicolas Ledoux (1736-1806) qui reçoit la commande royale, réalisée de 1775 à 1779. Connu pour avoir construit des hôtels particuliers, le théâtre de Besançon et surtout “le mur murant Paris [qui] rend Paris murmurant” (barrières d’octroi, douane intérieure pour accéder à la ville), Ledoux est un architecte original et novateur classé parmi les utopistes, pour qui l’architecture joue un rôle dans la réussite de la société, en étant à la fois utilitaire, fonctionnelle et visionnaire. Il écrira un traité, L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation paru en 1804 (ici sur Gallica).
Dernière manufacture créée sous l’Ancien Régime, sous le règne de Louis XV, la saline regroupe les bâtiments industriels et administratifs, les logements du personnel et du directeur, des jardins potagers, une chapelle, une boulangerie… et même deux cellules, selon un plan semi-circulaire respectant une géométrie de la symétrie, le tout agrémenté de motifs généralement réservés à l’architecture nobiliaire, royale et ecclésiale. La façade est constituée d’un portique à huit colonnes doriques derrière lequel se cache une grotte artificielle d’où coule de la saumure cristallisée. Tout est sujet à interprétation dans cette architecture parlante : le plan en demi-cercle évoque à la fois la course du soleil, le théâtre antique, la facilité de la surveillance.
Le sel, un produit essentiel
Pendant longtemps le sel est un produit précieux : utilisé bien sûr dans l’alimentation des hommes mais aussi des troupeaux, matière première indispensable à la conservation par la salaison et nécessaire à de nombreux métiers (préparation du cuir, fabrication du verre…). Saviez-vous que le mot “salaire” venait du latin “salarium”, partie de la solde des légionnaires donnée en sel ? Vous vous rappelez aussi la fameuse gabelle, impôt sur le sel, et les nombreuses révoltes qui y sont liées.
En Lorraine et en Franche-Comté, on fabrique le sel par un procédé d’évaporation : les eaux de sources naturelles sont chauffées dans de grandes cuves, on récupère le sel qui apparaît en surface et au fond de la cuve. Pour relier Salins à Arc, on construira un “saumoduc”, canalisation de troncs d’épicéas évidés et emboîtés (remplacés plus tard par de la fonte) sur 21 km pour mener la saumure jusqu’à la forêt de Chaux et son combustible ! A Arc il faut 48 heures d’ébullition lente pour cristalliser le sel qui est ensuite séché puis moulé en pains ou placé en tonneaux. La manufacture travaille 24 heures sur 24. La rentabilité de la saline n’atteindra pas les taux espérés : eau à moins forte teneur en sel, perte le long des canalisations, conditions de travail difficiles, mécontentement des habitants qui perdent l’usage de la forêt. La saline cessera la production en 1895.
Les jardins, le festival, le restaurant, l’action culturelle… de quoi passer une bonne journée*
Un passage à la Saline, c’est :
- explorer l’architecture des lieux bien sûr
- visiter les expositions permanentes sur le sel et sur Ledoux
- découvrir dès le printemps et jusqu’à la fin de l’été le festival des jardins qui, sur 4 hectares, proposent chaque année 11 nouveaux jardins sur un nouveau thème. En 2015, il s’agissait des “jardins de voyageurs”, pensés en lien avec :
- l’exposition temporaire Mines de sel, photographies de Catherine Gaudin et Seydou Touré (visible jusqu’à la fin de l’année 2016)
- cette année, le thème est “Univers de bande dessinée”, il faut que je me dépêche de les découvrir !
- profiter des animations, notamment pour les enfants. En lien avec le festival et l’exposition, il y avait par exemple en 2015 des ateliers tisane, création d’expo, conte, pliage de papier pour réaliser un des bâtiments de la saline, un atelier sur le sel pour découvrir les phénomènes chimiques et physiques qui lui sont liés…
- cette année, certains ateliers sont renouvelés et il y en a de nouveaux, à découvrir sur le site de la Saline rubrique Saison culturelle / activités thématiques / ateliers Uto p’tits
La Saline travaille particulièrement la pédagogie et la médiation, publie de très jolis livrets gratuits, peut-être parce qu’elle a l’habitude de travailler avec l’enseignement, chaque festival étant la fruit de la collaboration avec des établissements de formation (22 en 2015 sur le Grand Est et la Suisse).
En 2015, même le restaurant de la Saline (attention il n’est pas ouvert toute l’année) avait participé à la thématique en proposant un menu spécial avec notamment un gâteau sombrero, génoise au kiwi et mousse de cactus. Malheureusement le jour où j’y suis allée, il n’était pas servi. En revanche, j’ai pu y tester une bonne cuisine locale que vous retrouverez cette année je pense… notamment le burger comtois (ah le morceau de morbier qui fond…) et l’assiette de poissons de la pisciculture des Planches !
*voire une bonne nuit car la Saline propose un hôtel (que je n’ai pas testé)
A lire
Valérie Kozlowski. La Saline royale d’Arc-et-Senans. Editions du Belvédère.
La Saline royale d’Arc et Senans. Beaux Arts Magazine, hors série
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