Pendant les vacances de printemps, j’ai eu la chance de retourner du côté de la Baie de Somme, vous savez, les plages de Picardie. Outre qu’on peut y profiter de promenades magnifiques, de randonnées guidées par des passionnés de la côte, qu’on peut y voir des phoques assez facilement, qu’on y mange du gâteau battu et des ficelles picardes et qu’on y boit toutes sortes de bières, certaines périodes sont autorisées à la pêche à pied et même les novices peuvent s’y adonner.
L’an dernier nous avions pu ramasser des coques sur la plage du Crotoy puis les faire sauter à l’ail et à la tomate pour les accompagner de pommes de terre du Touquet. Cette année, ce sont les moules qui ont retenu notre attention, sur une plage sous les falaises d’Ault. Comme, en vacances, on fait avec ce qu’il y a dans un petit frigo, ces moules sauvages ont été cuites dans une bière blonde du Marquenterre parfumée de citron vert et de coriandre… le nord et le sud réunis ! Cette plage d’Ault, à marée basse, est le rendez-vous des pêcheurs à pied du coin, amateurs (qui glanent les moules et autres coquillages sur les rochers) ou professionnels (dans l’eau jusqu’à la taille pour recueillir les petites crevettes). Attention, certaines règles sont à respecter qui différent selon l’endroit (dates de ramassage, taille des animaux, quantité par personne…), renseignez-vous.
C’est l’occasion de découvrir toutes sortes de coques, bigorneaux, moules, chapeaux chinois, crabes, anémones, algues, petits poissons, galets de toutes les couleurs… puis de s’en retourner bien content d’avoir récolté son repas. Et bien entendu, le goût iodé du large n’a pas de prix !
Cette escapade maritime m’a donné envie de ressortir les ouvrages d’Olivier Rœllinger dont le goût entremêlé pour les produits de la mer et les épices est bien connu. L’occasion de vous donner quelques recettes de moules pour changer des marinières-frites.
Olivier Rœllinger est un chef très attachant dont le parcours et les propos reflètent une véritable cohérence ; passionné par sa région d’origine, la Bretagne de Cancale, par les voyages via les épices, par le respect du produit, du client, de ses collaborateurs, il a écrit un joli portrait sur son site ici. Ayant renoncé, comme d’autres, au système des étoiles (voici ce qu’il en dit : “J’ai fermé le restaurant de la maison de Bricourt le 20 décembre 2008. Je n’ai jamais regretté cette décision, je savais que les étoiles finiraient par peser sur nous. Dans un trois étoiles, les gens s’attendent à une expérience exceptionnelle, ce ne sont pas de bonnes conditions pour vivre un moment heureux.”), il développe aujourd’hui sa cuisine au Château Richeux : la carte ici ! Il a aussi développé une boutique centrée sur les épices, à découvrir en ligne aussi, des cours de cuisine et même une pâtisserie. Si vous voulez tout savoir, s’il y a bien un grand chef d’aujourd’hui que j’aimerais découvrir, c’est lui…
Il y a quelques années, on m’avait offert un flacon d’épices Rœllinger “Retour des Indes”, mélange de curcuma, coriandre, badiane, macis, sichuan et cumin. J’ai depuis pris l’habitude de faire une sauce à spaghetti avec le jus de cuisson des moules, les moules, ce mélange et de la crème ; nous les appelons “patetti retour des Indes”, association charmante du nom des pâtes babillé par un enfant de 2 ans et de la poésie du mélange parfumé.
Mais place au maestro !
Son attachement aux épices, il le montrait dans un petit livre paru chez Actes Sud en 2007, Des comptoirs à la cuisine. Hommage à l’abbé Raynal, : il y proposait les passages de l’ouvrage du 18e siècle consacrés aux épices, accompagnés d’une recette à base de cette même épice : lieu de ligne, tomate et huile camphrée, turbot en blanc, pavot, sésame et pamplemousse confit, homard rôti à la broche devant le feu de bois pour le poivre, ou encore glace macis, muscade… La bibliothèque possède, notamment, l’édition genevoise de 1775 de l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes dont vous pouvez voir ci-dessous la première page du tome I.
Dans Epices et Rœllinger, le tome 2 de “Voyage au pays des merveilles”, publié en 2012 à Rennes par Imagine & Co avec le duo Christian et Vincent Lejalé, vous pourrez découvrir “Les moules de la baie du mont-Saint-Michel et mon Curry corsaire”. La poudre Curry corsaire mêle coriandre, gingembre, curcuma, cardamome et moutarde.
Ingrédients : 2 litres de moules, 1 échalote, 1 noix de beurre, 20 cl de vin blanc moelleux, crème liquide, 1 cuillère à café de Curry corsaire, cerfeuil, quelques brins de menthe.
Un peu plus de 1 heure à l’avance, gratter les moules au couteau, les débarrasser de leur byssus, les laver à grande eau sans les laisser tremper. Eplucher et ciseler l’échalote. Dans une grande casserole en inox, faire revenir l’échalote dans le beurre. Ajouter le vin blanc. Donner un bouillon et verser les moules en maintenant la cuisson à couvert sur feu vif. Après 2 minutes, secouer le contenu de la casserole, attendre 2 minutes encore, vérifier que toutes les moules sont ouvertes et stopper immédiatement la cuisson. Mettre quelques moules entières de côté pour la garniture, décoquiller les autres, réserver. Filtrer le jus de cuisson et y ajouter la même quantité de crème que le volume de jus obtenu. Amener vivement à ébullition. Lorsque le jus commence à devenir onctueux, ajouter une cuillerée à café de Curry corsaire et laisser infuser ce velouté pendant 5 mn.
Donner un nouveau bouillon au velouté, le filtrer. Ajouter moules décoquillées et moules entières. Servir en soupière ou dans des bols bien chauds, avec un peu de cerfeuil et quelques feuilles de menthe bleue.
Dans le tome 1 Les parfums de l’enfance, les mêmes moules AOC de la baie du Mont sont traitées en “Petites brochettes au paprika, crème de coco et Poudre d’or”. Ce mélange contient : coriandre, curcuma, bois d’Indes et amchoor… mystérieux.
Ingrédients : 2 litres de moules, 1 échalote, 1 gousse d’ail, 2 lamelles de gingembre frais, 1 brin de romarin, 1 brin de thym, 1 feuille de sauge, 1 c. à s. de beurre, 1 verre de vin blanc, 8 feuilles de laurier, 1/2 boîte de lait de coco, 1 c. à c. de Poudre d’or, 3 pincées de paprika, 1 noix de beurre, 1 c. à s. de Niora (mélange Rœllinger d’huile de pépin de raisin et de piment niora), quelques fleurs de fenouillette.
Gratter et laver les moules en enlevant le byssus. Emincer l’échalote et l’ail. Faire revenir dans une large casserole l’échalote, l’ail, le gingembre, le romarin, le thym et la sauge dans le beurre, puis ajouter le vin blanc. Verser les moules, couvrir et cuire plein feu. Dès que les moules sont ouvertes, retirer du feu. Décoquiller les moules, conserver les vingt plus jolies que vous enfilerez entre deux feuilles de laurier sur des petites brochettes (cinq par brochette). Réserver les autres dans le jus de cuisson duquel vous aurez retiré le romarin, la sauge et le thym. Ajouter le lait de coco et la Poudre d’or. Mixer le tout au blender rapidement. Détendre éventuellement avec un peu d’eau.
Poêler les brochettes de moules parsemées d’un peu de paprika dans une noix de beurre. Réchauffer le velouté de moules. Disposer dans de petites bols, glisser quelques traits d’huile de Niora, parsemer de fleurs de fenouillette. Caler les brochettes de moules sur le bord des bols.
Dans Trois étoiles de mer publié en 2008 chez Flammarion, les moules sont associées comme suit : “Des langoustines, des moules et une vinaigrette d’agrumes au poivre marin de Chiloé”.
Voici ce qu’Olivier Rœllinger dit de ce poivre : “Ce poivre marin apporte puissance et élégance, son histoire m’a envoûté. Alors que l’arbre qui porte sa graine était sacré pour les Indiens mapuches et que le capitaine Drake l’avait déjà découvert, lui permettant de sauver son équipage contre le scorbut, je l’ai retrouvé grâce à Patricio Vargas Schnake, un ethnologue chilien qui habite sur cette île qui ressemble à l’Irlande de l’autre bout du monde.”
Ingrédients : 20 grosses langoustines, 25 cl de moules, quelques pousses d’épinard, 1c. à s. de câpres, 4 pincées de poivre de Chiloé, 1 et 1/2 jus de citron vert, 1 et 1/2 jus d’orange, 2 dl d’huile d’agrumes, 1 pointe de piment frais, 5 cl de vin blanc moelleux, 1/4 échalote ciselée, quelques pluches de fenouillette.
Faire la vinaigrette avec le jus de citron vert, le jus d’orange, la pointe de piment et l’huile d’agrumes. Cuire les langoustines dans 2 l d’eau bouillante salée (50 g de gros sel) 2 minutes après la reprise de l’ébullition. Les décortiquer. Garder les têtes pour une autre préparation ou pour une soupe. Ouvrir les moules à feu vif avec un peu de vin blanc moelleux et d’échalote. Quand elles sont juste ouvertes, les décortiquer et filtrer le jus dans lequel vous les garderez, avec la pointe de piment.
Chauffer la vinaigrette sans la faire bouillir, ajouter 2 c. à s. de jus de moules. réchauffer, dans ce jus, les langoustines, les moules et les câpres. Servir dans des assiettes creuses avec quelques pousses d’épinard et de fenouillette sauvage. Ajouter un peu de poivre de Chiloé moulu.
Et pour finir, un peu de musique…
Caroline
Je confirme
Oups! C’était un essai…. pour voir s’il était réellement possible de faire paraître une photo.
Eh bien…. La preuve par l’image.
Oui, c’est possible.
Heureusement que je n’ai pas mis une photo incorrecte.
BRAVO. Ça marche!
Il s’agit sur cette photo – si je me souviens bien – d’un poisson pêché par un bibliothécaire.
Dans le commentaire suivant, je vais me rappeler ce grand monsieur qu’est Olivier ROELLINGER.
Je confirme que Olivier ROELLINGER fait partie de ces êtres rares qui ont décidé de vivre leur vie et non pas de la hausser sur la dernière marche du podium.
Son talent n’a d’égal que sa gentillesse, sa simplicité, son élégance et le raffinement de tous ses choix.
Faire un séjour chez Olivier ROELLINGER – et nous avons eu, mon époux et moi ce privilège – est un petit bonheur. On s’y sent bien, à l’aise. Et ne croyez pas que ce soit chose fréquente. Car bien souvent, dans d’autres grandes maisons – avec mille étoiles – , on y mange bien, excellemment même, mais…. il y a un petit air de guindé, d’artificiel, de faux qui vous gâche de plaisir des papilles. Point de tout ceci chez Olivier ROELLINGER. Sa maison, dès que vous entrez chez lui, est la vôtre.
Je souhaite au plus grand nombre d’entre vous tous qui lirez ces quelques lignes de connaître ce petit bonheur. Pour une Grande Occasion.