Michèle Barrière aime cuisiner et manger, et c’est en fonction de ses goûts qu’elle écrit ses savoureux polars historiques.
Tombée dans la marmite de l’écriture il y a une dizaine d’années, d’abord pour se faire plaisir, Michèle est aujourd’hui l’auteure de 13 succulents romans en 2 séries.
À travers le temps, on suit les aventures d’une famille de cuisiniers passionnés, les Savoisy, héros et héroïnes de la petite comme de la grande histoire, de 1393 à 1933 – pour le moment… On s’attache très vite aux individus et à leurs fortes personnalités, très différentes les unes des autres, à leurs émotions et à leur défauts, et ce même si l’auteure ne leur épargne pas grand-chose ! Mais il paraît qu’un bon auteur est dur avec ses personnages comme avec ses lecteurs, et on lui pardonne… puisqu’on attend la suite avec impatience et gourmandise !
À travers l’espace, on voyage d’une cour européenne à l’autre avec Quentin du Mesnil, maître d’hôtel de François 1er. La cuisine conserve ici sa place d’honneur, accessible autant que rigoureusement travaillée du point de vue de l’histoire comme de la géographie.
On conseillerait presque ses romans pour l’étude de ces disciplines en classe, si certains passages – dont on ne se plaindra pas – ne les réservaient selon la formule consacrée à “un public majeur et vacciné” (disons vacciné).
…
On sent la passion quand on écoute Michèle parler de ses romans et de l’histoire de la cuisine, on apprécie sa verve et son humour, sa disponibilité aussi pour répondre aux questions de toutes sortes, sa capacité à échanger… On comprend vite que sa préférence va à l’époque médiévale, si malheureusement décriée par le 19e siècle et qu’on peine encore à réhabiliter, y compris dans le domaine culinaire.
L’Antiquité ? Bon le garum merci bien… Le 19e siècle ? Rien d’intéressant !* Parce que Michèle cuisine ses romans, au sens propre pour ainsi dire, alors elle choisit des plats et des cuisines qu’elle aime – et on la comprend ! Pour les mêmes raisons, c’est la grande cuisine plutôt que celle du peuple qui est évoquée, avec toute sa complexité et ses innovations.
Caroline vous a parlé des paupiettes et histoires de poisson du 16e siècle de Meurtres à la Pomme d’or, et comme on croise dans tous les romans des personnages et des livres incontournables de l’histoire de la cuisine, vous devriez en entendre parler régulièrement ! L’été 2016 a été Jehannin à la BM, c’est pourquoi nous avons demandé à Michèle Barrière d’évoquer pour nous, dans son histoire gourmande, le siècle de cet important collectionneur, et au chef Mathieu Munier de recréer à partir de nos livres anciens des recettes de cette époque.
2 romans pour découvrir le 18e siècle gourmand
Alix et Baptiste Savoisy, frère et sœur, nous entraînent au cœur de la querelle opposant les marchands du vin de Bourgogne à ceux du vin mousseux de Champagne, qui fait son apparition, et des scandales des Soupers du Régent – qui pour la peine se font assassins. Aux fourneaux pour l’occasion : François Massialot, figure essentielle de l’histoire de la cuisine française.
Finalement, ce que l’on sait de ce cuisinier reste hypothétique. Il serait né à Limoges en 1660, mort à Paris en 1733. Cuisinier d’un membre de la famille royale ou “extra” (pour extraordinaire), indépendant louant ses services aux plus fortunés ? Dans l’univers de Michèle Barrière, il est les 2, navigue entre les fêtes galantes et met sur pied les projets les plus fous au gré de ses commandes et de ses envies.
En 1691 il publie son Cuisinier roial et bourgeois…, relève 40 ans plus tard du Cuisinier françois de La Varenne. Ce succès, diffusé et réédité jusqu’au 18e siècle, recense les recettes de la cour, les recettes “bourgeoises” n’étant en réalité que les plus “simples” parmi la grande cuisine. L’innovation reste à la cour, où la cuisine est toujours représentation, même si la tendance est de réduire les repas à 2 services en regroupant potages et entrées, puis rôts et entremets (mais sans compter les desserts préparés à l’office).
La première partie de l’ouvrage (consultable en ligne dans Gallica) présente des menus en fonction des saisons, pour la plupart effectivement présentés à la cour et accompagnés du détail des circonstances. La seconde partie, plus importante, décrit les recettes, dont les intitulés mettent à l’honneur les grands personnages de l’époque… Innovation éditoriale : les recettes sont présentées par ordre alphabétique et non plus dans celui des services ; innovation culinaire : Massialot est le premier à utiliser le chocolat comme ingrédient en cuisine, jusqu’alors dégusté en boisson.
Ce n’est cependant pas une recette au chocolat que Michèle Barrière prépare et fait déguster mais celle du poulet en filets, une recette simple et efficace : il faut pouvoir la réaliser tout en discourant, et dans des lieux comme… des bibliothèques !
La voici telle que décrite dans le carnet de recettes des Soupers assassins du Régent :
“Pour 4 à 6 personnes :
1 poulet – 4 c. à soupe d’huile d’olive – 2 c. à soupe de vinaigre de Reims – le jus d’un citron – 1 gousse d’ail – 2 c. à soupe de câpres – 1/2 bouquet de persil – 1/2 bouquet de ciboulette – sel et poivre
Faire rôtir le poulet au four 45 min à 1h selon son poids. Une fois refroidi, émietter la chair et la disposer dans un plat de service. Dans un bol, mélanger l’ail, les câpres, le persil et la ciboulette hachés. Ajouter l’huile, le vinaigre, le citron. Poivrer. Saler si nécessaire. Verser le mélange sur la chair de poulet. Laisser mariner 2h avant de servir.”
Pour re-voir la préparation de la recette, une vidéo de France 3 Normandie (à visionner sur YouTube en cliquant sur le lien) :
Remarques de Michèle Barrière lors de la phase d’organisation : il ne faut pas hésiter à bien mouiller le poulet, ni à le laisser mariner 24h. Et comme Michèle aime beaucoup cette recette (nous aussi !), elle la reprend dans le dernier tome de la série, Meurtre trois étoiles, dans lequel Adrien Savoisy la prépare en… 1933 ! On imagine bien la même scène avec l’auteure aux fourneaux, faisant découvrir avec succès la cuisine historique aux gourmands et curieux… et maintenant vous !
Dans Meurtre au café de l’Arbre sec, par un procédé digne de Jasper Fforde, le lecteur a l’opportunité de voyager à travers le temps dans un seul et même roman en compagnie de Quentin, de retrouver ses personnages préférés et d’en croiser de nouveaux, à la poursuite, bien sûr, d’un livre de recettes. Au siècle des Lumières, c’est Jean-Baptiste Savoisy et sa femme Maïette qui officient, entre écrits licencieux et parfums révolutionnaires de glaces…
2 autres recettes ont été testées lors de la conférence de Michèle Barrière, et je sais à quel point certains d’entres vous les attendent et les réclament, et plus spécialement l’une d’entre elles ! La suite de cette aventure gourmande particulière très bientôt sur le blog.
*On trouve pourtant ce siècle fort intéressant par bien des aspects mais ce n’est pas le sujet ici !
Marie
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