Mise en garde : attention, si vous lisez ces textes, vous pourriez vous mettre à regarder votre assiette d’une autre façon…
Chaque année, le 20 mars, c’est la journée sans viande. Vous avez sans doute remarqué que la question végétarienne, végétalienne, végane et animale était de plus en plus discutée : articles de journaux, débats, et sans doute autour de vous de nouvelles pratiques alimentaires. D’ailleurs ne vous êtes-vous jamais dit “je mange trop de viande”, “je devrais en manger moins”, ou encore “je devrais changer de fournisseur” ?
L’édition n’est pas en reste et l’on trouve de nombreux livres sur le sujet, avec des points de vue différents. En effet, les raisons d’être végétarien ou de ne pas l’être ou de l’être un peu ou beaucoup sont assez variées.
- Tu ne tueras ni ne brutaliseras les animaux
- Tu n’utiliseras pas les animaux
- Tu pollueras moins en mangeant moins de viande
- Tu penseras à ta santé en mangeant moins protéiné
- Tu deviendras un carnivore éclairé
Voici les cinq principaux commandements qui, me semble-t-il, peuvent guider une voie vers un rapport différent à l’alimentation carnée et d’origine animale, que l’on en suive un ou plusieurs en même temps. Les auteurs sont de disciplines différentes aussi, philosophes (Elisabeth de Fontenay, Florence Burgat), historiens (Charles Patterson), religieux (Matthieu Ricard), romanciers (Jonathan Safran Foer), éthologues (Dominique Lestel), anthropologues (Claude Lévi-Strauss), sociologues (Jocelyne Porcher), journalistes (Aymeric Caron)…
Les premier et deuxième commandements sont directement liés à la relation hommes / animaux et partent de l’animal mais pour arriver généralement au fait que, si l’on ne les mange pas, c’est autant parce que c’est mieux pour nous que pour eux ; le pari est que si l’on traite mieux l’animal, il y a des chances que l’on traite mieux aussi nos semblables. Les deux suivants partent d’abord de l’intérêt des hommes. Les auteurs ont rarement un point de vue unique sur le sujet et les différents points de départ se rejoignent finalement souvent.
Le troisième commandement est certainement la raison la plus contemporaine et récente, liée à une préoccupation bien spécifique à notre ère.
Le quatrième est une préoccupation assez ancienne, que l’on développera dans un article dédié aux livres de recettes végétariennes plus anciens.
Le cinquième renvoie à de nouvelles pratiques qui ne remettent pas en cause le fait de tuer ou d’utiliser les animaux mais la façon de le faire, qui ne transforment pas les mangeurs en végétariens mais en carnivores raisonnés, comme le prône le mouvement Meat Free Monday : supprimer la viande une fois par semaine, avec des idées à piocher dans le livre Une journée sans viande préfacé par Paul McCartney, un célèbre… végétarien ou encore dans Lundi, c’est végé. Cela peut être aussi vu comme une façon progressive de venir à l’alimentation sans viande, pour se familiariser avec de nouveaux produits, de nouvelles habitudes et une nouvelle éthique.
Voici une sélection de quelques lectures pour vous familiariser avec tout ça.
Le sage
Vous avez sûrement entendu parler du dernier essai de Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux. Le sous-titre est : Vers une bienveillance pour tous. En effet son point de départ est la nécessaire extension de notre altruisme, de notre compassion, de notre solidarité à l’ensemble de la famille humaine mais aussi aux animaux, pour deux raisons.
D’abord pour s’inscrire dans une éthique cohérente. L’homme représente une seule espèce face à 1.6 million d’espèces animales, il est certes doué de qualités uniques mais cela ne peut lui donner le droit d’instrumentaliser, de désanimaliser les animaux, de ne les considérer que comme des objets destinés à notre consommation, à notre usage. C’est un manque de sagesse face à des êtres sensibles qui, comme nous, cherchent à échapper à la souffrance.
Ensuite parce que tout le monde y perd dans le système actuel : les animaux bien sûr (parce qu’ils meurent et souffrent), les hommes d’aujourd’hui (les plus pauvres de la planète produisent les céréales qui nourrissent les animaux destinés aux plus riches au lieu de produire leur propre alimentation ; les plus riches qui mangent trop de viande et en sont malades), les hommes de demain enfin (puisque l’élevage est reconnu comme l’une des principales causes du réchauffement climatique).
Les animaux sont mes amis… et je ne mange pas mes amis. George Bernard Shaw
Matthieu Ricard emploie le terme de schizophrénie pour qualifier notre rapport aux animaux ; certains exemples illustrent son propos : comment peut-on être choqué par tel ou tel acte de maltraitance envers un chien ou un chat et ne pas s’offusquer des conditions de vie et de mort dans les élevages industriels et les abattoirs. Et à ceux qui s’étonnent qu’on puisse s’intéresser aux animaux alors que tant d’hommes souffrent, il répond qu’il ne s’agit pas de s’occuper de l’un ou de l’autre mais de l’un et de l’autre (il ne mange pas de viande depuis 45 ans et suit 130 projets humanitaires !), soupçonnant ces détracteurs de ne juste rien faire pour personne.
Quelques chiffres qui donnent à réfléchir :
- chaque année, pour sa consommation, l’homme tue 60 milliards d’animaux terrestres et 1000 milliards d’animaux marins
- dans les abattoirs, 10 à 15% des animaux auraient repris connaissance au moment où on les ébouillante, où on les coupe en morceaux…
- 1 hectare de terre nourrit 1 carnivore ou… 20 à 50 végétariens
- il faut 10 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales
On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas. Lamartine
Le décortiqueur du processus
Sur cette question, l’un des ouvrages essentiels du 21e siècle, car choc et presque tabou, est le texte de l’historien Charles Patterson Un éternel Treblinka. Pour l’auteur, la raison première du végétarisme et même du végétalisme est le refus de toute violence faite à des créatures vivantes innocentes.
Le titre et le propos ont en effet choqué certains lecteurs, en faisant une analogie entre l’abattage des animaux et le massacre des juifs dans les camps d’extermination. La formule du titre vient pourtant d’une phrase du grand écrivain yiddish Isaac Bashevis-Singer :
“Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c’est un éternel Treblinka”.
Analogie mais surtout explication, pour l’auteur, de l’origine de toutes les formes de persécutions de masse modernes entre les hommes qui viendrait du modèle des abattoirs industriels : l’exploitation animale comme forme originelle d’exploitation. “Archéologie du meurtre de masse” selon la formule de François Noudelmann (émission “Logiques de l’abattoir” dans Macadam Philo sur France Culture en 2008 dont on trouve la transcription ici). Il ne s’agit donc pas pour l’historien d’un dérapage scandaleux, de l’utilisation de la Shoah pour nous amener à la cause végétarienne mais d’une démonstration des mêmes mécanismes.
Il organise son texte en trois parties. La première (“Une débâcle fondamentale”) est consacrée à la séparation entre les hommes et les animaux, à leur éloignement émotionnel, et au passage des premiers de proies à prédateurs, avec la liste de leurs inventions pour utiliser douloureusement les seconds, contrôler leur indépendance génétique et leur liberté d’évolution (castration, entrave, marquage, séparation des petits de leur mère en – ce n’est qu’un des exemples – entourant le museau du petit de ronces pour que sa mère le rejette et ne donne son lait qu’à l’homme…). Il rappelle notamment l’habitude pour les bourreaux de comparer leurs victimes à des animaux (cafards, rats, moutons, insectes, singes, bétail…) avant de les traiter comme des animaux.
La deuxième partie (“Espèces supérieures, race supérieure”) observe les relations entre la violence faite aux animaux et la violence contre les gens dans deux pays industrialisés, les Etats-Unis et l’Allemagne, pour démontrer que le chemin qui mène à Auschwitz passe par l’Amérique.
Auschwitz commence quand quelqu’un regarde un abattoir et pense : ce ne sont que des animaux. Theodor Adorno, philosophe juif allemand (p. 89)
Il décrit le développement industriel des abattoirs, l’idée de rationalisation du travail venu à Henry Ford dans un abattoir, son acharnement à la propagande anti-juive, le lien entre stérilisation forcée aux Etats-Unis et euthanasie et génocide en Allemagne, la restriction de l’émigration des juifs d’Europe de l’Est dans les années 1930 par des Américains les considérant comme un danger sur des critères raciaux, la provenance du personnel des camps du monde des abattoirs. Il termine en décrivant des processus identiques dans les deux modes de massacres, camps d’extermination et abattoirs : rationalisation, régler le sort du faible, tuer les jeunes, rendre “humain” le massacre…
Civilisés ? répéta-t-il. Loin de là ! Ils mangent la chair de bœuf et de mouton en quantités énormes. On l’apporte sur la table en gros morceaux, souvent à moitié crue. Ils la piquent, la coupent, la déchirent et la mangent avec fourchette et couteau, ce qui a de quoi faire frémir tout être civilisé. On se croirait en présence d’avaleurs de sabres.
Remarque d’un érudit chinois sur les Américains, au début du 20e s. (p. 98)
La dernière partie (“Echos de la Shoah”) développe des exemples d’avocats de la cause animale liés à la Shoah, notamment la pensée d’Isaac Bashevis-Singer, et à l’Allemagne nazie.
Un jour, nos petits-enfants nous demanderont : Où étais-tu pendant l’holocauste des animaux ? Helmut Kaplan (p. 203)
La provocatrice
Autre texte, autre style… qui pourra vous agacer car Marcela Iacub fait un peu son intéressante dans Confessions d’une mangeuse de viande (ah, les bouchers qui tombent fatalement amoureux de la carnivore passionnée qu’elle fut !) et met en scène de façon dramatique sa conversion ; elle est cependant assez fine et drôle (“Manger une saucisse n’était pas un pur acte gastronomique. C’était aussi, et peut-être surtout, un acte d’affirmation de la grandeur de l’humanité” page 58 : vous avez compris qu’il faut lire son texte pour comprendre !), en donnant des exemples souvent provocateurs (sur l’anthropophagie, sur le rapport aux personnes à l’intelligence réduite, sur la bestialité…). Sa tactique est autre mais elle développe les mêmes arguments que les autres écrivains végétariens, en accusant l’humanisme carnivore à la française, en misant sur un autre rapport possible aux animaux, en pointant les contradictions de notre société face à eux, en montrant le rôle de la culture, et en mettant l’accent sur le fait qu’on ne voit pas ce qu’on mange.
Tu me demandes pour quelle raison Pythagore s’abstenait de manger de la chair, mais au contraire je m’émerveille, moi, quelle affection, quel courage, ou quelle raison eut donc l’homme qui le premier approcha de sa bouche une chair meurtrie, qui osa toucher de ses lèvres la chair d’une bête morte, et comment il fit servir à sa table des corps morts et en putréfaction, et faire viande et nourritures des membres qui peu devant bêlaient, mugissaient, marchaient et voyaient. Comment purent ces yeux souffrir de voir un tel meurtre ? De voir tuer, écorcher, démembrer une pauvre bête ? Comment put son odorement en supporter la senteur ? Comment est-ce que son goût ne fut pas dégoûté par horreur quand il vint à manier l’ordure des blessures, quand il vint à recevoir le sang et le jus des plaies mortelles d’autrui ?
Les peaux rampaient sur la terre écorchées
Les chairs aussi mugissaient embrochées
Cuites autant que crues, et était
Semblable aux bœufs la voix qui en sortait
(Odyssée, XII, 395-396)C’est une fiction poétique et une fable que cela. mais ceci certainement fut un souper étrange et monstrueux, avoir faim de manger des bêtes qui mugissaient encore, enseigner à se nourrir des animaux qui vivaient et criaient encore, ordonner comment il les fallait accoutrer, bouillir ou rôtir, et les présenter sur la table.
Plutarque, Manger la chair, traduction d’Amyot (16e s.), cité par M. Iacub pages 126-127
Voici le texte qui transforma Marcela Iacub en végétarienne, qui a fait qu’elle ne peut plus ne pas voir l’animal dans la viande. Le titre de notre article est tiré du même extrait.
Le vulgarisateur
Aymeric Caron, journaliste et végétarien, annonce dans son introduction à No steak qu’il ne cherche pas à faire l’apologie de tel ou tel mode alimentaire ou à stigmatiser les omnivores mais
“seulement expliquer pourquoi, dans un futur proche, plus personne sur cette planète ne mangera de viande.”
Et l’auteur tient (presque) parole : sur un ton quasi constamment posé, dans un style clair et agréable souvent assez drôle, il décrit toutes les raisons de devenir végétarien, qu’elles soient pratiques, de nécessité ou morales et éthiques :
- la viande détruit la planète
- nous sommes incohérents avec les animaux
- on n’assume pas la mort de l’animal qu’on mange
- l’amour de la viande est culturel, pas naturel
- nous n’avons pas besoin de viande pour vivre
- les animaux que nous mangeons nous ressemblent
- la morale nous commande d’arrêter la viande
- le végétarisme est moderne depuis des millénaires
Il nous éclaire par ailleurs sur les différentes philosophies et leur regard sur ce qu’est l’animal, et sur les courants de pensée ; vous connaîtrez ainsi la différence entre un végétarien (qui ne mange pas d’animal), un végétalien (qui ne mange pas d’animal ni de d’aliments d’origine animale comme le lait, les œufs ou le miel), un végan (qui refuse tout ce qui est issu de l’utilisation d’un animal comme le cuir, la laine, la soie, les produits testés sur des animaux et même les loisirs comme le cheval), un flexitarien ou omnivorien (un végétarien qui mange encore de la viande de temps en temps) et un pesco-végétarien ou pescétarien ou semi-végétarien (qui mange du poisson) ! ou encore entre un abolitionniste (qui veut la fermeture des abattoirs) et un welfariste (qui veut le bien-être des animaux sans pour autant interdire leur consommation), un spéciste (partisan d’une idéologie qui justifie de traiter différemment humains et non humains) et un anti-spéciste (qui réclame la même considération pour tous les êtres sensibles).
Un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines, inspirera sans doute la même répulsion qu’aux voyageurs du 16e et 17e siècle, les repas cannibales des sauvages américains , océaniens ou africains. Claude Lévi-Strauss (p. 13)
Comme il ne nous fait pas la morale, on a vraiment envie de suivre sa réflexion jusqu’au bout, d’autant qu’il fait part de son expérience personnelle, les remarques désobligeantes, les blagues nulles (si vous ne buvez pas de vin, c’est un peu pareil…), les arguments auxquels les carnivores s’accrochent et qu’il démonte. Vous saurez qu’à la fin de votre vie, vous aurez mangé 6 à 7 bœufs, 33 cochons, 1 à 2 chèvres, 9 moutons, plus de 1300 volailles et 60 lapins ainsi que des centaines d’animaux marins, qu’en un an, vous mangez 90 kg de viande, qu’en une minute, on abat dans le monde 87 226 poulets, 2387 cochons, 1970 lapins, 545 bovins et j’en passe, que l’arrêté français du 16 janvier 2003 autorise qu’on pratique sur les porcelets de moins d’une semaine le meulage des canines à vif, la section de la queue et la castration. Vous connaîtrez la vie d’une vache laitière (insémination à un an, enlèvement du veau le lendemain du vêlage, insémination trois mois plus tard, puis, après trois à six veaux, envoi à l’abattoir) ; vous connaîtrez les conditions de mort dans les abattoirs (si vous avez du cran, de nombreuses vidéos circulent en ligne), les scènes brutales, les bêtes qui ne sont pas rendues inconscientes avant leur égorgement, les coups, l’attente, les blessures, les cadences, la compréhension de leur sort à venir par les animaux… bref vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas.
Le point de vue de l’éleveur
Le Livre blanc pour une mort digne des animaux est le résultat d’une enquête menée en 2013 auprès de 66 éleveurs sur le sujet de l’abattage, par Jocelyne Porcher (sociologue, directrice de recherche à l’INRA, UMR Innovation), Elisabeth Lécrivain (éco-éthologue, chargée de recherche à l’INRA, Unité Ecodéveloppement), Nathalie Savalois (anthropologue, docteure associée à l’UMR Innovation) et Sébastien Mouret (sociologue, post-doctorant à l’UMR Innovation).
Son grand intérêt est d’offrir une autre voie au développement du bien être animal : ne plus manger de viande en est une bien sûr, vouloir réformer notre système d’abattage en proposant des alternatives (abattre dans les fermes ou dans des abattoirs mobiles ou locaux) et en privilégiant l’élevage à la production animale industrielle en est une autre. Cela fait longtemps que je prends soin de n’acheter que des œufs bio (les poules vivent mieux) et de la viande d’éleveurs de proximité (connaissez-vous La Ruche qui dit oui ?) ou de bouchers mais sans être allée plus loin dans la réflexion : or, que l’animal de votre steak ait vécu dans un élevage industriel maltraitant les animaux ou chez un éleveur qui en prenait soin, sa mise à mort risque fort d’être la même, c’est-à-dire pas forcément sans douleur ni respectueuse. Et d’ailleurs, si vous mangez des œufs, les poules finissent de même à l’abattoir.
Un chiffre : il y avait 1800 abattoirs en France dans les années 1960, il en restait 286 en 2010 alors même qu’on abat davantage d’animaux, d’où des cadences entraînant des dérives.
J’y suis allé pour contrôler l’anesthésie parce que le mec il anesthésiait et puis il allait fumer sa clope, sauf que le cochon il se réveillait, il revenait, il redonnait un coup. Bon ben là, on dénonce des trucs comme ça, c’est scandaleux quoi. Parce que le gars il n’est pas du tout formé, ils ont embauché un gars qui était au chômage depuis je ne sais pas combien de temps, et on lui dit “Tu prends la pince et tu fermes, et tu comptes jusqu’à trois !” et le gars il a compté pour le premier cochon mais après il compte plus. (page 43)
Les auteurs opposent le monde de l’élevage, fondé sur la relation aux animaux vus comme des êtres sensibles et non des produits mais aussi sur la relation à la nature, aux autres éleveurs, aux consommateurs, et le monde de l’industrie animale et des abattoirs, fondé sur des normes, sur des cadences, sur l’anonyme, où la prise en compte du “bien-être animal” doit surtout rassurer le consommateur plus qu’être efficace, d’où la disparition de l’objectif derrière une montagne de procédures : étourdissement inefficace, cadences tellement rapides que des animaux arrivent vivants sur la chaîne, conscience pour les animaux de ce qui arrive à leurs congénères, délais d’attente excessifs, indifférence du personnel (et d’ailleurs que penser des conditions de travail des tueurs, des saigneurs), transport violent ou sans considération, manque de relation avec les éleveurs, interdiction faite aux éleveurs de voir la fin de la chaîne, ce qui fait qu’ils doutent parfois que les carcasses récupérées soient celle de leurs animaux et que les animaux puis les carcasses soient traitées comme il se doit. L’exemple développé page 45 sur l’absurdité de ce qu’on fait des chevreaux est très éclairant (la consommation de fromages de chèvre étant bien plus élevée que celle de viande de chèvre, les chevreaux – qui doivent naître pour que la chèvre donne du lait – n’ont aucune valeur et les éleveurs préfèrent parfois les tuer eux-mêmes à la naissance plutôt que de les envoyer dans un système de traitement déplorable). Ce qui en ressort pour les éleveurs est le sentiment que l’abattoir saccage leur travail en détruisant leur relations aux bêtes, la qualité de leurs produits et le rapport à leurs consommateurs.
Ce bouvier, il est connu pour être un petit peu brutal quand ça ne veut pas avancer. […] C’est ce côté macho, c’est vrai que si on pouvait les accompagner, ils seraient, je suis sûre, moins stressés. Si on pouvait les accompagner jusqu’au bout. Ne serait-ce que d’y être amenés par leur éleveur, par quelqu’un qu’ils connaissent, plutôt que par quelqu’un qu’ils n’ont jamais vu, et qui en plus est un peu… mais ça, ça ne se fera jamais, parce que ça coûterait trop cher, ça poserait des problèmes, et ça irait moins vite, les cadences etc. Les animaux on s’en fout, on ne fait que du fric avec. (page 47)
Ce type, il a une cinquantaine d’années, il ne sait ni lire ni écrire, il n’a sûrement jamais été à l’école. Il pousse 500 bêtes dans le couloir de la mort, tout seul tranquillement […]. Il n’a pas de bâton électrique, il a simplement un bâton, il sait comment faire, il sait comment leur parler, et les animaux sont en confiance avec lui. (page 48-49)
La troisième partie du livre évoque enfin des solutions alternatives : abattre hors des abattoirs (et prendre le risque de se mettre dans l’illégalité), informer les consommateurs sur les élevages dont l’image a été cassée par les crises alimentaires récentes, afin de rétablir la confiance grâce à une plus grande proximité, revaloriser le métier de boucher et renouer les liens éleveurs / bouchers, faire naître aussi des liens éleveurs / abatteurs, donner la possibilité de rituels avant l’abattage et enfin développer un abattage de proximité en rupture avec le processus industriel : abattage à la ferme, unité mobile d’abattage, petits abattoirs locaux.
Je veux abattre mon bœuf et mon porc à la ferme, là où je les ai soignés et dorlotés. Mais les règlements interdisent l’abattage à la ferme. Bordel de merde, qu’est-ce qui fait plus sens que de tuer les animaux là où ils ont été élevés ? (page 76)
Et si on est tenté par le végétarisme, le végétalisme ou le flexitarisme, qu’est-ce qu’on mange ?!… à suivre dans un prochain article
Caroline
http://blogs.mediapart.fr/edition/delices-et-saveurs-vegetaiens/article/150315/journee-sans-viande-20-mars-2015
Voici le lien du blog d’ELISA 13 sur MEDIAPART.
Journée sans viande – 20 mars 2015
http://blogs.mediapart.fr/blog/mireille-poulain-giorgi/170315/je-vous-le-dis-tout-de-go-jaime-la-viande
Voici un lien dans lequel j’ai relayé votre article, sur MEDIAPART.
Vous y lirez les commentaires qu’il a suscités.
http://blogs.mediapart.fr/es/blog/mireille-poulain-giorgi/160315/navez-vous-pas-honte-de-meler-vos-tables-les-fruits-doux-avec-le-meurtre-et-le-sang-pou
En voici d’autres des commentaires.
– Encore un peu de salade verte avec votre concombre ?
– Non merci, je n’ai encore terminé mes endives bouillies.
Patience, patience, vendredi vous découvrirez des recettes végétariennes qui vous feront saliver et rêver, j’en suis sûre !
Quant aux endives, je conseille plutôt de les cuire vapeur puis de les braiser, avec du beurre et du jus d’orange par exemple, du sel et un bon poivre. Puis les servir avec des frites maison et un burger… de boeuf ou de soja selon vos tendances, miam !
Caroline
Ne plus manger de viande. Devenir végétarien. C’est perdre ses habitudes et ce n’est jamais facile.
J’ai souvent fait l’expérience suivante et faites-la vous aussi. Demandez à des femmes (mais les hommes sont aussi concernés…) “Que vas-tu cuisiner à Pâques? ou “Que mangerez-vous pour votre anniversaire?” ou “Que vas-tu préparer pour demain midi?” ou “Que fais-tu ce soir pour ton repas?”
Presque à tout coup, on vous répondra: “Un gigot…. Un poulet rôti… Un filet de bœuf… Du magret de canard….un reste de viande froide…”
D’abord, on pense à la viande, et ensuite on greffe les légumes, les pâtes, etc. C’est secondaire.
Or, devenir végétarien, c’est faire passer au premier plan les légumes, les céréales, les pâtes…
Il faut donc changer totalement ses habitudes. Sans compter qu’il faut davantage cuisiner. Et ça prend du temps, beaucoup de temps…. si vous ne voulez pas vous retrouver avec des “endives bouilles” et “une salade verte et un concombre”, deux fois par jour, à votre table.
Les légumes, c’est une merveille, mais il faut bien les choisir, bien les éplucher, bien les préparer, les accommoder. Si on n’aime pas cuisiner, si on pense que c’est du temps perdu, ça va être très difficile.
Mais si c’est un petit bonheur de se retrouver dans sa cuisine, de choisir avec soin (autant de soin que l’on met à choisir un livre pour ses enfants par ex.) les légumes que l’on va préparer pour eux, alors, ce sera plus facile d’essayer de devenir végétarien.
Mais… Encore faut-il avoir du temps!
De l’argent, ce n’est pas mal non plus…. Car, les BEAUX légumes, ce n’est pas bon marché.
Et… Il faut aussi se dire que si vous mangez un steak à midi, ça “vous tiendra au corps”. Ce n’est pas sûr du tout qu’avec des “endives bouillies – de la salade et un concombre” ça fasse le même effet!
D’aucuns vous diront que de toute façon, on mange beaucoup trop.
Il faut donc changer ses habitudes.
René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907)
L’habitude
L’habitude est une étrangère
Qui supplante en nous la raison :
C’est une ancienne ménagère
Qui s’installe dans la maison.
Elle est discrète, humble, fidèle,
Familière avec tous les coins ;
On ne s’occupe jamais d’elle,
Car elle a d’invisibles soins :
Elle conduit les pieds de l’homme,
Sait le chemin qu’il eût choisi,
Connaît son but sans qu’il le nomme,
Et lui dit tout bas : “Par ici.”
Travaillant pour nous en silence,
D’un geste sûr, toujours pareil,
Elle a l’oeil de la vigilance,
Les lèvres douces du sommeil.
Mais imprudent qui s’abandonne
A son joug une fois porté !
Cette vieille au pas monotone
Endort la jeune liberté ;
Et tous ceux que sa force obscure
A gagnés insensiblement
Sont des hommes par la figure,
Des choses par le mouvement.