Muguet au menu… autant le dire de suite : ne nous prenez pas au pied de la lettre au risque de ne pas terminer la journée vivant. Le muguet ne se mange pas, il est hautement toxique et si vous êtes adepte de la cueillette dans la nature, ne le confondez pas avec son délicieux jumeau, le fameux ail des ours.
Mais ce délicat symbole du printemps, du joli mois de mai, de la fête des travailleurs, cette fleur considérée comme un porte-bonheur, ces blanches clochettes au parfum entêtant qui nous font courir les sous-bois, est présent sur un certain nombre de menus.
Les menus de mariage
Les menus de mariage sont souvent décorés de symboles de l’alliance et de porte-bonheur végétaux, notamment les trèfles à quatre feuilles et les fleurs de muguet. Je n’en ai repéré que deux dans les collections déjà traitées de la bibliothèque mais il y en a certainement beaucoup d’autres. Le plus ancien est un dîner de noces de 1887. Le fond du menu est un semis de clochettes, la partie haute est ornée d’une ancre (symbole de la stabilité du couple et de la fermeté dans les tempêtes) encadrée des initiales des mariés. Cliquez ici pour voir le détail de ce joli fond. J’en profite pour vous donner la liste des plats qui furent servis :
Potage à la Reine
Turbot Sauce Verte
Pâté chaud de Bécassines
Gigot pré salé sauce Chasseur
Ris de Veau demi deuil
Filet de Bœuf sauce Rossini
Petits pois à la Crème
Pâté de Foies gras Périgueux
Salade
Pouding diplomate
Parfait praliné
Pièces montées
Fruits
Desserts
Le second (première image en haut de l’article et détail ci-dessus) est le menu du déjeuner de mariage de Germaine Lecomte et Georges Baudry en 1919. Nous possédons aussi le menu du dîner de ce même mariage, ici. Le menu du déjeuner est orné d’un brin de muguet ; le menu du dîner est lui-aussi très élégant, c’est une découpe très fine et dorée comme il s’en faisait couramment au début du 20e siècle.
Les menus du 1er mai
La bibliothèque possède aussi quelques menus du 1er mai, avec des réunions professionnelles ou familiales qui ont parfois lieu quelques jours après la date de la fête.
Celui que vous voyez à gauche date du 4 mai 1908. A cette époque, le 1er mai n’est pas encore chômé en France mais cela fait près de vingt ans que l’on manifeste ou que l’on fait grève à cette date pour obtenir de meilleurs droits sociaux (en premier lieu la journée de travail de 8 heures) et en ce début de siècle, c’est un rendez-vous majeur des syndicats. Faut-il en conclure qu’il s’agit là d’un repas donné par des convives très politisés et mobilisés ? Rien n’est moins sûr, l’alliance début mai / muguet n’est peut-être qu’un symbole printanier. En effet, le muguet n’est alors pas encore systématiquement associé à la date de mobilisation syndicale. Vers la fin du 19e siècle, les organisations cherchent un symbole marqueur du 1er mai : triangle rouge, drapeau rouge, pensées rouges, lilas rouges, coquelicots, tulipes… ce sera finalement l’églantine rouge qui triomphera au tournant du siècle, en s’associant de plus en plus au muguet, déjà considéré comme porte-bonheur et vendu dans les rues de Paris, ainsi qu’offert au chef du gouvernement. On aurait pu penser que la blancheur de la fleur et son utilisation consensuelle l’auraient tenu éloignée des manifestations mais il n’en fut rien comme nous l’apprend Danielle Tartakowsky dans La part du rêve. Histoire du 1er mai en France (pages 49 et 84-85) et elle se maria à la rose sauvage écarlate. L’auteur cite notamment un extrait du journal La Bataille syndicaliste du 2 mai 1913 qui publie une photo de marchandes de muguet avec la légende “La fête du muguet et de l’églantine” et ce poème :
Mademoiselle églantine […]
met brin de muguet à son corsage et son chapeau
elle fait un pied de nez à sa patronne
qui peut attendre à l’atelier.
Eglantine est une luronne
aux yeux bien francs, au gai sourire
et sans que nul ne la chaperonne
elle va dans le grand Paris
ne se laissant prendre à nul piège
qui pourrait l’attirer ailleurs
vite rejoindre le cortège
de ses frères, les travailleurs.
Autre contexte, puisque désormais le 1er mai est chômé, le 1er mai 1955 l’amicale des usines SPCC (société des produits chimiques de Clamecy) organise une promenade pour ses salariés pour une journée intitulée “Fête du Muguet”. Le repas fleure bon la campagne, le printemps et la fête dans toute sa simplicité ! Hors d’œuvre, assiette de charcuterie, pâté du chef et ses crudités, truite Belle-meunière, jambon au porto, petits pois, médaillon de veau viennoise, haricots verts et pommes nouvelles, tous les fromages, tarte maison, le tout accompagné de Bergerac, d’une réserve de l’Hôtel du Barrage et de café… On se croirait en 36 en goguette avec ses collègues !
Pour finir, le brin le plus mignon de la collection (ci-dessus), dessiné par des petites mains de 10 ans… La notice est ici et vous y trouverez peut-être l’auteur !
Sans contexte ?
D’autres menus sont ornés de brins et de clochettes mais on ne connaît pas l’occasion du repas, sans pouvoir exclure qu’il s’agisse d’un mariage.
Le premier que je vous présente ici date du 1er juillet 1906 ; c’est un menu fait main représentant des brins de muguet entrelacés avec des fleurs de pivoine (?) : faut-il y voir une symbolique particulière ? Appel aux spécialistes du langage des fleurs ! Il appartient à une série de quatre, tous illustrés de fleurs, œillets et marguerite, pensées et pivoines (?).
Le suivant est daté du 24 juin 1934 et vient du restaurant Troyes-Est ; le haut du menu est orné de quelques clochettes. Le repas évoque l’abondance de l’époque : Cornets d’York à la Parisienne, Saumon de la Loire Sauce Hollandaise, Pommes Vapeur, Fonds d’Artichauts au Champagne, Poularde Rôtie aux Perles du Périgord, Salade de Saison, Ecrevisses à la Nage, Bombe glacée Tutti Frutti, Gaufrettes, Petits Fours et Corbeille de Fruits, le tout arrosé de Chablis et Beaujolais en Carafe, Barsac 1928, Beaune 1926, Champagne Frappé, Café et Liqueurs.
Bonne cueillette et n’oubliez pas un pique-nique gourmand !
Caroline
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