Les menus du chef Gomez à la BM de Dijon

Le 9 octobre dernier, Guillaume Gomez, le chef des cuisines de l’Elysée, est venu passer une journée dans la cité de la gastronomie. Au menu, une visite auprès des jeunes de la section hôtelière du lycée du Castel, suivie d’une soirée à la bibliothèque autour du patrimoine culinaire français, animée par l’équipe Gallica de la BnF et le chef de l’Elysée lui-même. En clôture, les quelques cent trente participants ont dégusté une Tasse nougatine Elysée tout en découvrant la surprenante exposition de menus présidentiels A la table du Président.

Car c’était bien de menus dont il était surtout question le 9 octobre à Dijon. Le chef Gomez venait déposer officiellement sa collection personnelle de 1175 menus de la Présidence de la République. L’ensemble constitue un vrai trésor documentaire, trouvant une place de choix au sein de la collection dijonnaise qui approche aujourd’hui les 17 000 pièces.

Cour d’honneur de l’Elysée

Les centaines de menus désormais conservés à Dijon sont les témoins de l’activité de Guillaume Gomez dans les cuisines du palais présidentiel. Une première série de quelques quatre cents menus s’étale sur dix-huit années, depuis son arrivée rue du Faubourg-Saint-Honoré comme commis de cuisine en 1995 jusqu’au départ en retraite de Bernard Vaussion en 2013. Une seconde série, réunissant plus de sept cents pièces, correspond à la période de direction des cuisines, de 2014 à 2017.

L’ensemble est donc à la fois représentatif de l’usage du menu durant les vingt dernières années de la Ve République et significatif du mandat de François Hollande, pour lequel on peut découvrir presque tous les repas quotidiens avec plus de 800 menus. On compte 205 pièces des mandats de Jacques Chirac, 149 du quinquennat de Nicolas Sarkozy et un menu giscardien.

Un menu type de l’Elysée aujourd’hui

Ornés sobrement des attributs et du monogramme de la République française, les menus déclinent l’alternance, au fil des jours, des repas privés, des déjeuners de travail et des dîners d’Etat. Tous, à leur manière, illustrent d’abord les singularités de chaque président, chacun apportant sa touche personnelle dans la conception et la réalisation des repas de l’Elysée. Ainsi le menu de novembre 2002 proposé pour l’anniversaire du président Chirac et préparé par le restaurant parisien L’ Ami Louis expose-t-il les goûts simples du chef de l’Etat : poulet rôti de Challans (qu’il découpe parfois lui-même) et buisson de pommes pailles.

Menu d’anniversaire de Jacques Chirac en 2002

La collection Gomez dévoile surtout plus de vingt ans de pratique gastronomique mise au service du pouvoir. Le cinquantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1995, la commémoration du Débarquement de Normandie en 2014, la COP 21 en 2015 sont autant de grandes réunions internationales où la cuisine française vient se mettre au service des enjeux politiques et diplomatiques.

Réception du prince héritier du Japon Nahurito à Versailles le 12 septembre 2018. Compte instagram du chef

Sommet dans l’art de la réception protocolaire, les dîners d’Etat rythment les soirées élyséennes durant lesquelles les grands de ce monde reçoivent les honneurs de la République. La longue suite de menus permet de décrypter, d’un point de vue gastronomique, les relations entre la France et ses partenaires. Citons ainsi les visites d’Etat des présidents chinois Jiang Zemin en 1999, Hu Jintao en 2010 et 2011, Xi Jinping en 2014 et 2015. Autre partenaire de poids, la Russie de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev avec six réceptions entre 2000 et 2014.

Autre exemple, les réceptions des chefs d’Etat du Maghreb et du Moyen-Orient, dans le contexte troublé du Printemps arabe : les Tunisiens Beji Caïd Esselvi en 2011 et 2015, Moncef Marzouki, en 2012, Habib Essid en 2016 ; le président égyptien Hosni Moubarak à quatre reprises entre 2003 et 2009 ; les Syriens Assad père et fils à cinq reprises entre 1998 et 2010…

La collection Gomez met aussi en lumière les repas offerts à la société civile : hommes d’affaires et experts économistes, journalistes, intellectuels et écrivains, représentants religieux, artistes du monde des arts et du spectacle, sportifs, représentants syndicaux…

Menus de dîners d’Etat

Les documents qui accompagnent parfois les menus apportent un bon complément : programmes des concerts donnés pour l’occasion, discours et toasts prononcés, plans de table indiquant la place de chaque convive, témoignant de l’importance du protocole dans la réception.

Avec l’intégration des menus Gomez dans la collection dijonnaise, ce formidable corpus est désormais à la disposition des chercheurs et des curieux.

Bon appétit !

Sébastien