Place de la Libération, juste en face du Palais des Ducs, il y a la BHV, et il y a le Pré aux Clercs, institution que tous les Dijonnais connaissent, tenu par Jean-Pierre Billoux, que je vais présenter aujourd’hui, puisqu’il sera des nôtres le 10 octobre !
Après avoir débattu sur la composition de la ganache d’un macaron avec Mathieu Munier, j’ai discuté champignons avec Jean-Pierre Billoux. Il faut dire que je suis une cueilleuse -à peu près- avertie et j’ai été bien malheureuse cet été : pas une seule girolle ni un seul cèpe dans mes coins dont je ne révélerai pas l’emplacement ! Alors quelle joie de découvrir les arrivages tout frais de mousserons et d’oronges (une nouveauté pour moi, ils me font un peu penser aux bolets sanguins) – et d’entr’apercevoir les cuisines… Mais aujourd’hui, contrairement à mon habitude, je ne céderai pas à la tentation du nombrilisme autocentré des blogueurs pour ce billet sur Billoux*.
C’est à l’âge de 14 ans, en 1960, que Jean-Pierre Billoux commence son apprentissage auprès de Georges Bonnevay à l’Hôtel de la Gare à Digoin, qui devient ensuite son beau-père. Au décès de celui-ci, en 1969, Jean-Pierre Billoux et son épouse décident de reprendre l’affaire. C’est là également qu’il bénéficie de l’expérience d’Alexandre Dumaine, ancien chef triplement étoilé de l’Hostellerie de la Côte-d’Or de Saulieu, qui se retire à Digoin pour sa retraite, ainsi que d’Alex Humbert, chef à l’époque chez Maxim’s. Il développe alors ce qui reste sa marque de fabrique, une cuisine traditionnelle et moderne, humble, qui fait la part belle aux produits du terroir, et il finit par décrocher deux étoiles au Guide Michelin en 1976.
Il s’installe ensuite à Dijon dès 1986, dans le rez-de-chaussée et le sous-sol de l’hôtel de la Cloche puis en 1996, enfin au Pré aux clercs, institution créée en 1833 et que l’on connaît bien à la bibliothèque, à travers les différents menus que nous possédons dans nos collections (non, non, ça n’est pas notre cantine du midi). En 1958, Henri Colin, propriétaire du Pré aux Clercs depuis 1938, achète le restaurant Aux Trois Faisans, propriété de Tournebize. Le restaurant se nomme durant un temps le «Pré aux Clercs–Aux Trois Faisans» avant de redevenir quelques années plus tard le «Pré aux Clercs». Au cours des années 1960, l’établissement connaît une renommée internationale, dont témoignent les 116 menus de la collection de la bibliothèque (si vous souhaitez tous les retrouver, utilisez le formulaire de recherche) !
d
d
d
d
d
d
d
d
d
d
Après le décès de Henri Colin en 1975, son épouse Françoise Colin poursuit l’activité jusqu’à la reprise du restaurant par Jean-Pierre Billoux.
Il s’attache, à travers la carte qu’il élabore conjointement avec son fils Alexis depuis une dizaine d’années, à accorder les mets et les vins et à magnifier la tradition.
Il avoue ne pas avoir de préférence à travailler tel ou tel ingrédient, tant que le produit est bon, mais m’a confié qu’un de ses plats préférés était une volaille de Bresse aux champignons accompagnée d’une bonne purée de pommes de terre (ça tombe bien, moi aussi j’aime bien ça !).
Pour couronner le tout, Jean-Pierre Billoux est aussi un bibliophile averti, tout comme certains de ses collègues : citons par exemple Jean-François Piège, qui possède un bon millier d’ouvrages précieux parmi sa bibliothèque de plus de 10 000 ouvrages consacrés à la gastronomie ; Jean-Paul Lacombe, le chef lyonnais de la brasserie Léon de Lyon ou encore Pierre Orsi. Le chef se fournit notamment sur les quais de Seine, chez le bouquiniste Alain Huchet, spécialisé en gastronomie (que Caroline et Marie connaissent bien !). Parmi sa collection, l’Heptaméron des gourmets d’Edouard Nignon, traité de cuisine à programme qui propose pour chaque journée de la semaine, un texte littéraire, rédigé par des grands noms de la littérature de l’époque (André Mary, Emile Godefroy, Laurent Tailhade, Guillaume Apollinaire, Henri de Régnier, Lucien Descaves, Fernand Fleuret) accompagné de deux menus, l’un pour le déjeuner, l’autre pour le dîner et des recettes correspondant aux plats proposés ; des ouvrages de Prosper Montagné, chef de la fin du 19e siècle puis écrivain culinaire, ou encore le Livre des menus d’Auguste Escoffier, publié en 1912 et vendu avec la troisième édition du Guide Culinaire, et qui rassemble tous les menus qui se trouvaient à la fin des précédentes éditions du Guide, et même un Jules Gouffé.
Mais la pièce dont il est le plus fier s’est transmise dans la famille de son épouse depuis plusieurs générations : une pièce unique, un contrat d’apprentissage d’un aïeul signé du 20 mars 1770 (vous pouvez cliquer sur les images pour agrandir).
Sont indiquées au dos du feuillet certaines transmissions au sein de la famille, dont un certain Louis Bonnevay, grand-père de Marie-Françoise Billoux et maître d’apprentissage d’Alexandre Dumaine à Paray-le-Monial. Pas mal, non ?
La semaine prochaine, Marie vous présentera Chihiro Masui (ça vous étonne 😉 ?), la super-partenaire blogueuse de Jean-Pierre Billoux. Plat dévoilé le jour J, soyez au rendez-vous !
Mathilde
*merci pour ce petit jeu de mots au collègue qui se reconnaîtra…
Encore un bel invité … avec un vrai savoir-faire culinaire !