Dans le dernier article, je vous parlais de l’intervention de nos collègues de la Bibliothèque nationale de France. La parole leur est donnée sur le blog !
Ce billet prend aujourd’hui la forme d’un menu, et vous convie à un repas virtuel, servi à la manière de l’ancien service à la française, qui reste, du Moyen Age jusque vers le milieu du XIXe siècle, une référence dans l’art de servir les mets, contribuant ainsi à créer une véritable civilisation de la table.
La table est dressée avec symétrie, à l’instar des jardins de Le Nôtre. Les plats sont disposés selon un plan géométrique qui doit être préservé jusqu’à la fin de chaque service.
Les convives doivent découvrir, dans un décor fastueux de lumières et miroirs, la table, une table toute construite Il s’agit d’une véritable nourriture pour les yeux. Car on ne mangeait pas de chaque plat, comme nous le faisons : chacun composait son propre menu parmi le grand nombre de mets posés sur la table, à chaque service.
Au Moyen Age, le repas pouvait avoir jusqu’à neuf services, plus souvent nommés que numérotés : « entrée ou assiette de table » pour commencer, puis « les potages », les « rôts, second, tiers, quart service de rôts » etc et enfin « l’issue de table » présent à la fin de chaque repas. Il annonce déjà la future séparation du sucré et du salé. Le Livre fort excellent de cuysine édité en 1555 détaille douze menus ou plutôt onze car le dernier n’en est pas un.
Le nombre de services diminue au XVIIe siècle, comme en témoigne Pierre de Lune dans Le Nouveau et parfait Maistre d’hostel, où on pourrait croire qu’il n’y a plus qu’un seul service.
Les siècles suivants, le nombre de services se réduit à trois, voire à deux services au XIXe siècle, comme chez Dubois, dans les menus de La cuisine classique.
Le Menu d’un repas est « la mémoire de ce qui doit y rentrer » disait Grimod de la Reynière dans son Manuel des amphitryons.
D’abord outil de travail destiné aux officiers de bouche des XVIIe et XVIIIe siècles, il évolue en menu-carte avec l’essor des restaurants. Avec le « service à la russe » apparu vers le milieu du XIXe siècle, le menu individuel devient un véritable accessoire de table.
Le menu évolue, d’une liste de mets purement informative, il devient un objet artistique grâce à des jeux typographiques et à l’ajout de gravures et d’illustrations. Par ailleurs, il se fait aussi le témoin de la vie politique, culturelle et sociale d’une époque. Les menus présidentiels de la Bibliothèque de Dijon, enrichis, cette année d’un dépôt exceptionnel en sont une illustration vivante.
Nous vous invitons à composer votre menu avec Gallica et à ré(découvrir) notre riche patrimoine gourmand. Les recettes proposées dans notre menu sont issues de traités culinaires des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
Premier service
Potage de profiteroles dans La Varenne, Le Cuisinier françois, 1651
Potage à la reine dans L.S.R, L’Art de bien traiter, 1693
Saumon à la Chambord dans Jules Gouffé, Le Livre de cuisine, 1867
Poulardes de la Bresse piquées à la Rohan dans Urbain Dubois, Cuisine artistique : étude de l’école moderne, 1882
Pieds de cochon farcis aux truffes dans C. Durand, Le cuisinier Durand, 1830
Croquettes au vis-à-vis dans Ferdinando Grandi, Les nouveautés de la gastronomie princière, 1866
Poulet en ragoût dans une bouteille dans La Varenne, Le Cuisinier françois, 1651
Macreuse à la braise dans François Massialot, Le nouveau cuisinier royal et bourgeois, 1722-1730
Coup du milieu
Granité à l’orange et Sorbets au Kummel dans Auguste Escoffier, Le Livre des menus, complément indispensable du “Guide culinaire”, 1912
Deuxième service
Bécasses rôties aux truffes dans Urbain Dubois, Cuisine artistique : étude de l’école moderne, 1882
Rôt de bif d’agneau rôti dans Marin, Dons de Comus ou les délices de la Table, 1739-1742
Buisson d’asperges en croustade dans Marie-Antoine Carême, Le Cuisinier parisien : ou l’art de la cuisine française au dix-neuvième siècle, 1828
Œufs pochés à la bourguignonne dans Auguste Escoffier, L’Aide-mémoire culinaire, 1928
Gâteau de puits d’amour dans Vincent La Chapelle, Le Cuisinier moderne, 1735
Plombière fine dans Pierre Lacam, Le Nouveau pâtissier-glacier français et étranger, 1865
Troisième service
Mappemonde en sucre filé dans Marie-Antoine Carême, Le Pâtissier national parisien, 1879
Gondoles vénitiennes dans Marie-Antoine Carême, Le Pâtissier royal parisien, 1815
Assiettes montées, tambours à dessert, compotes, corbeilles de fruits dans Urbain Dubois, La Cuisine classique, 1868
Alina Cantau et Dominique Wibault, Bibliothèque nationale de France
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