Ici et là, nous vous avons proposé une première découverte du monde végétarien et de ses recettes mais, si la tendance est plus active aujourd’hui, il ne faudrait pas croire qu’elle est propre au 21e siècle.
La bibliothèque conserve quelques ouvrages anciens de cuisine végétarienne et en achète régulièrement.
On a longtemps considéré que l’Age d’or était un temps sans viande, d’ailleurs Adam et Eve n’en mangeaient pas et l’homme n’en fit sa nourriture qu’après le Déluge…
Dès l’Antiquité, certaines viandes sont frappées d’interdits pour des raisons variées (pragmatisme : le bovicide pouvait être puni car cet animal aide l’homme dans son travail de la terre ; hygiénisme : on ne mange pas les animaux dont on ne connaît pas la cause de la mort ; respect religieux : ne sacrifier que des animaux “purs”, sans défaut). Quelques penseurs comme Plutarque développent une pensée complètement végétarienne. Au Moyen Age la viande est signe de puissance et le végétarisme n’est pas très en vogue (si ce n’est ponctuellement, comme chez les cathares) mais la grande majorité de la population n’y a accès que ponctuellement. L’époque moderne voit se développer le goût pour les légumes négligés depuis des siècles par les classes aisées, c’est la première nouvelle cuisine. Puis il faut attendre tard dans le 20e siècle pour que cette tendance alimentaire ne soit pas systématiquement regardée de travers (et encore !). Bref, jusqu’à présent l’absence de viande est surtout réservée aux malades et aux religieux pendant les jeûnes et autres carêmes. Vous pardonnerez cette petite histoire au triple galop qui n’avait pour autre but que d’introduire quelques livres (plus ou moins) anciens et (plus ou moins) végétariens conservés à la bibliothèque de Dijon.
Le recours au philosophe
L’un des plus anciens à la BM est certainement le Del vitto pitagorico per uso della medicina d’Antonio Cocchi Mugellano, publié à Florence en 1743. Pythagore est en effet considéré comme le premier végétarien. On trouve pages 28-29 de ce livre :
Io intendo del vitto Pitagorico, il quale consisteva nell’uso libero ed universale di tutto cio che è vegetabile tenere e fresco, e che di pochissima o nulla preparazione abbia bisogno per cibo, radiche foglie fiori frutti e semi, e nell’astinnenza di tutto cio che è animale, o fresco o secco ch’ei sra, o volatile o quadrupede o pesce.
Il latte ed il mele entravano in questo vitto, l’uova al contrario n’erano escluse. Per bevanda si voleva la sola acqua purissima, non vino, ne altro vinoso liquore.
Donc pas de viande (ni oiseaux, ni quadrupèdes, ni poissons), mais tous les végétaux (qui ont la supériorité de ne pas avoir besoin de préparation : c’est amusant de voir le renversement de point de vue par rapport à aujourd’hui), du miel et du lait mais pas d’œufs***, de l’eau pure et aucun vin. Notre exemplaire est annoté à la main et notre possesseur ne semble pas adhérer totalement ; il trouve surtout que la voie du végétarisme n’est pas facile : s’il reconnaît que Pythagore se contentait “d’ordinaire d’un peu de miel et de quelques légumes” il ajoute qu’on leur envoie “quelquefois une portion des animaux offerts en sacrifice excepté du bœuf et du bélier. Lui-même ne refusait pas d’en goûter” et précise que “la défense absolue de la viande ne concernait que ceux de ses disciples qui aspiraient à une plus grande perfection”. Et à côté de l’abstinence du vin, il note : “C’est une erreur. Il condamnait l’excès de vin. Il conseillait de s’en abstenir et permettait à ses disciples d’en boire à souper mais en petite quantité” !
*** Merci à Alice du Centre régional du livre de Bourgogne, qui saura pourquoi !
La diététique
Docteur A. Porchon. Les règles de la santé ou le véritable régime de vivre que l’on doit observer dans la santé et dans la maladie. Paris, 1688 (2e édition, la première datant de 1684). Cote BM Dijon 1427
La première partie édicte 52 règles de santé pour les personnes en bonne santé, la deuxième en propose 14 pour les malades. Suivent des “remarques de physique, de médecine, de morale et d’histoire sur le régime de vivre des sains” et des malades ; pour finir “la table de santé”, sous la forme d’un dictionnaire des aliments (où vous apprendrez que la baleine “a la chair dur, de mauvais suc & chargée d’excremens”, que les betteraves purifient le sang ou que la chicorée fortifie le foie). Ce manuel n’est pas proprement végétarien mais se méfie des viandes.
Règle V :
Fuyez la gourmandise & l’excez dans les viandes”, “& quoy que l’abondance des viandes, comme dit Plutarque, norrisse beaucoup le corps, elle abrutit l’homme, elle attache à la terre cette divine particule de la Divinité, & étouffe en luy les vertus civiles, morales & chrêtiennes ; elle étouffe la chaleur naturelle, empêche la coction, & par consequent engendre des cruditez d’où naissent une infinité de maladies.
Règle VI :
Fuyez la multiplicité & diversité des viandes, car elle apporte beaucoup de trouble au corps ; c’est pourquoy le mesme Plutarque asseure que les alimens les plus simples sont toûjours les meilleurs & les plus profitables.
Règle XII :
Ne prenez jamais de viande à contre-cœur, car non seulement elles blesseront vôtre estomach, mais encore elles vous causeront des nausées, des dégoûts, des tensions d’estomach, & vous serez mesme contraints de rejetter par le vomissement ce que vous aurez pris. […]
Règle XIII :
Ne chargez point votre estomach d’une nouvelle viande que la premiere ne soit entierement cuite [digérée], autrement la coction sera troublée, & delà naistront les obstructions & les cruditez, & tout le corps sera remply d’humeurs vicieuses […].
Docteur N. Gachet. Manuel des goutteux et des rhumatistes. Paris : chez M. Gachet ; chez Le Boucher, 1786. Cote BM Dijon 1178
Le docteur Gachet propose comme quatrième cause à la goutte les nourritures animales et écrit un chapitre véritablement végétarien (pages 102 à 113), reprenant les arguments et images de Plutarque.
Cependant cet usage [de la viande] si conforme, ce semble, à un droit très-commun, si autorisé par la révélation, & si flatteur pour les sens, met selon M. L… notre frèle machine à la torture.
[…] parce que cette nourriture pleine de sucs, dont la matiere est indigeste & pesante, rend nos humeurs inertes & acrimonieuses, & que de plus elle se corrompt. On ne veut point manger de viandes nouvellement tuées, on en attend la mortification, je pourrois dire la putréfaction […].
L’homme, dans l’état de nature, est frugivore. […] Cette mère [la nature] aussi tendre que généreuse, ne nous offre-t-elle point avec assez de libéralité des alimens purs, sains, exquis & substantiels dans les fruits, les légumes & les grains, pour satisfaire à la fois, le besoin & même la sensualité ? Renonçons donc à une habitude atroce, à moins que nous nous glorifions de l’emporter en cruauté, en férocité, sur les animaux les plus gloutons & les plus carnassiers, en faisant par pure gourmandise, ce qu’ils ne font que par nécessité.
Quel courage d’homme, dirois-je, avec Plutarque, eût le premier qui approcha de la bouche une chair meurtrie, qui brisa de sa dent les os d’une bête expirante, qui fit servir devant lui des corps morts, des cadavres, & engloutit dans son estomach des membres, qui, le moment d’auparavant, bêloient, mugissoient, marchoient & voyoient ? […]
Enfin quand la terre dépouillée & nue ne nous [les premiers hommes] offroit plus rien, forcés d’outrager la nature pour nous conserver, nous mangeâmes les compagnons de notre misère, plutôt que de périr avec eux. Mais vous, hommes cruels, qui vous force à verser du sang ? voyez quelle affluence de biens vous environne ! combien de fruits vous produit la terre ! que de richesses vous donnent les champs & les vignes ! que d’animaux vous offrent leur lait pour vous nourrir & leur toison pour vous habiller ! que leur demandez-vous de plus, & quelle rage vous porte à commettre tant de meurtres, rassassiés de biens & regorgeant de vivres ? […]
La religion : le carême
Dans les livres de cuisine de l’époque moderne, vous trouverez souvent des propositions de recettes et menus pour les temps de carême et de jeûne, excluant donc la viande temporairement.
Prenons l’exemple d’un des plus célèbres livres du 17e siècle, Le Cuisinier françois de La Varenne publié pour la première fois en 1651 et dont la bibliothèque possède une édition de 1686 et une de 1712.
On y trouve des potages, entrées, entremets pour les jours maigres hors de carême et des recettes pour le temps de carême, ainsi qu’un chapitre spécial pour le Vendredi saint.
En voici quelques exemples :
- les potages maigres hors de carême : aux herbes, d’écrevisses, de carpes, de tortues, d’asperges, de choux au pain frit, de citrouille au beurre, de lait aux jaunes d’œufs, de neige, d’huîtres, de grenouilles au safran, de riz, de purée de pois verts, de lait d’amande…
- les entrées des jours maigres hors de carême : carpe farcie en ragoût, huîtres en beignets, soles à l’étuvée, macreuse au court-bouillon, lamproie sur le gril en ragoût, anguille de mer, tourte de laitances…
- les entremets des jours maigres hors de carême : mousserons, truffes, pets de putain, foie de lotte, blanc-manger, gelée verte, œufs à la crème, asperges à la sauce blanche…
- les potages pour le carême : potage à la reine, potage de champignons, potage d’asperges, potage de navet au bouillon blanc, potage à l’oignon, potage de grenouilles, potage de son, potage de lentilles…
- les entrées pour le carême, sans œufs : hachis de carpe, lotte, huîtres, barbues, limandes, tripes de morues, langoustes au court-bouillon, seiches, carottes, panais, topinambours, pommes fricassées, pruneaux…
- les entremets pour le carême : cardons, truffes en ragoût, tourte de frangipane, jambon de poisson, morilles, pruneaux, rissolles, écrevisses en ragoût…
- pour le Vendredi saint : différents potages (de santé, de purée fort claire, de lait d’amande, de navets…), des entrées (betteraves en dés au beurre roux avec sel, carottes rouges frites avec une sauce rousse, tourte de pistaches, tourte d’herbes, bouillie de farine, cardons, artichauts, riz au lait bien sucré, salade de citron, morilles à la crème, tourte de crème d’amandes)…
Le végétarisme
Henri Leclerc. Les légumes de France. Leur histoire, leurs usages alimentaires, leurs vertus thérapeutiques. Paris : Legrand, 1934 (2e édition). Cote BM Dijon I-5882
Dans la première édition en 1927, l’auteur consacre sa préface à une démonstration de l’intérêt du végétarisme. Il consacre ensuite une trentaine de chapitres à des végétaux comme la lentille, le topinambour, les courges, la rave, le chou, le radis, le cresson ou le pourpier.
Emanés de sources si autorisées, ces enseignements ne manquèrent pas de rallier les suffrages unanimes des profanes dont ils flattaient les plus chers instincts en ratifiant, au nom de la science, leur aversion pour l’aliment végétal, régime de famine et de pénitence, en proclamant la supériorité de la viande “qui donne des forces et qui fait du sang” sur le légume “qui débilite et ne tient pas au corps”, en décrétant le triomphe des cuisses de bœuf chargées de double graisse et dont les chairs violettes semblent encore palpiter des horreurs du meurtre alimentaire dans l’attente des sanies de la putréfaction, sur les feuilles, sur les graines et sur les racines que la main d’un enfant peut, sans effort, détacher de leur tige ou extraire du sol et qui viennent à nous sans que la mort ait rien altéré de leur pureté ni de leur fraîcheur. […]
Grâce à des travaux […] nous possédons sur le rôle des végétaux dans l’alimentation des notions nouvelles qui confirment bien des assertions formulées par les adeptes du végétarisme. […] L’homme peut être végétarien tandis qu’il ne peut vivre en carnivore exclusif. […] Il peut remplacer le régime carné, même au point de vue de l’albumine. […] Il [le régime végétal] possède, en outre, l’avantage de donner lieu dans le tube digestif à beaucoup moins de fermentations anormales et de déchets toxiques dangereux […]. Il nourrit tout autant que le régime carné. Ils [certains aliments végétaux] ont l’avantage de fournir, en outre, des hydro-carbones qui manquent presque complètement dans la viande.
Il prend aussi l’exemple d’ouvriers agricoles fournissant de très lourds efforts physiques et de sportifs ayant choisi un régime végétarien et réussissant parfaitement, voire mieux que les autres, argument que l’on retrouve dans nos publications contemporaines.
Des livres de recettes
Végétarien vient de l’adjectif latin VEGETUS, vigoureux. Quelle surprise encore ! (p.1-2)
En 1899 la Société végétarienne de France faisait paraître La Table du végétarien dont la bibliothèque de Dijon possède la quatrième édition (1910). Son introduction rappelle les éternelles blagounettes un peu bêtes qu’ont à entendre les végétariens et enchaîne en développant les deux arguments en faveur du végétarisme : la parfaite adéquation du régime végétarien avec la bonne santé et la possibilité de satisfaire son palais.
Où trouve-t-on en revanche les générations malingres dont l’état d’épuisement inquiète à bon droit notre patriotisme, sinon dans les villes où les boucheries ont une clientèle universelle ? Dans nos campagnes mêmes, entraînées depuis peu par le mauvais exemple des citadins, ne voyait-on pas jusque-là de vigoureux gars, réserve de notre tempérament national alors qu’ils se nourrissaient de châtaignes et de laitage en Auvergne, de sarrasin en Bretagne, de maïs dans le Midi ? (p. 2)
Après quelques chapitres informatifs (que mange le végétarien, tableaux des aliments, principes, régime des malades, règles de cuisine, ustensiles et assaisonnements…), les auteurs proposent des recettes (pain, céréales, légumes, légumineuses, produits Kellogg***, œufs, desserts, soupes, boissons, sauces, salades, fruits, confitures, sirops et conserves). Des annexes complètent tout cela avec des régimes particuliers, un chapitre sur la transition au végétarisme et un tableau comparatif des proportions d’oxyde de fer dans les aliments.
*** Ce chapitre commence par “En principe le végétarien n’aime pas beaucoup l’aliment artificiel. Aussi ne parlerons-nous pas des multiples produits pompeusement qualifiés et lancés sur le marché depuis que les industriels se sont aperçus que la viande commençait à perdre faveur. Mais dans l’esprit de ceux qui y renoncent en tremblant, ne reste-t-elle pas le type d’une nourriture fortifiante et ne convient-il pas de la remplacer par des préparations concentrées ? Les industriels s’inspirent très habilement de cette arrière-pensée et s’efforcent d’en inventer dont l’aspect et le goût rappellent le plus possible leur mets favori au palais vicié des amateurs de plats carnés. S’il ne faut que cela pour les en détacher, c’est rendre service à leur santé que de flatter cette manie.” Il décrit ensuite deux produits Kellogg, le protose (combinaison de gluten, de froment et de noix d’arachides ou autres fruits oléagineux) et la nuttolène (tirée des mêmes fruits oléagineux).
Laissez à votre palais blasé par les fortes émanations de la viande, émoussé par les excitations continues des épices et des liqueurs, le loisir de reconquérir sa finesse originaire. (p. 7)
Voici un exemple de menu d’hiver :
Soupe de gruau de blé vert
Vol-au-vent avec quenelles de nuttolène et champignons
Pain de choux-fleurs sauce crème
Côtelette de pois sauce brune au citron
Pudding d’avoine aux amandes sauce au fruits
Ananas, raisins, etc.
Allez, une petite recette pour terminer :
Rôti végétal (page 229-230)
Prenez une tasse de tomates cuites et passées, une tasse de lentilles cuites (mesurées après avoir été passées au travers d’une passoire), une tasse de pain grillé écrasé, une cuillerée à soupe de beurre d’arachides, 1/2 cuillère à café de sauge en poudre fine et tamisées ou une cuillerée à soupe de persil haché très fin et un peu de sel. Mélangez dans un ustensile en terre et cuisez au four jusqu’à ce que le rôti soit presque sec. Servez-le ainsi ou en tranches avec une sauce faite de la manière suivante : cuisez ensemble deux tasses de lentilles et une tasse de tomates préparées comme ci-dessus, un peu de sel et une cuillerée de beurre d’arachides délayé.
Je ne ferai que citer deux autres ouvrages (Epicure. Livre de cuisine française végétarienne, 1926 et Recettes culinaires en 1932) centrés sur l’enseignement Mazdaznan du Dr O. Z. Hanish, fondateur de cette religion et dont je ne saurais vous dire grand chose.
Des végétariens pas végétariens ou les liens du végétarisme et de la cuisine française…
Tous les ouvrages de recettes sans viande ne sont pas mus par une pensée proprement ou strictement végétarienne : santé, religion, mode, autant d’arguments contre la viande… sans oublier la question économique. Nous avons déjà parlé ici d’un des objectifs pendant la guerre qui est de se passer de viande et de cet ouvrage bien précis La bonne chère pas chère sans viande de Prosper Montagné.
Trop nombreuses sont les personnes qui pensent que, sans viande, il n’est guère possible de composer des repas variés, savoureux, nutritifs. Il est vrai que la multiplicité des ressources carnées que nous possédions avant la guerre, et qui, il faut le croire, ne nous manqueront pas après, excusaient quelque peu le préjugé de la viande. Mais, conséquence de la guerre et de ses difficultés économiques, les jours maigres sont venus. Des restrictions alimentaires ont été imposées. Quelques-uns persisteront peut-être assez longtemps encore. Le décret qui, deux jours par semaine, interdisait l’usage de la viande semblait bien dur à observer à beaucoup de gens. Cette restriction était d’autant plus gênante que le poisson et les œufs, ces succédanés de la viande, n’étaient guère accessibles, vu leur prix élevé, aux bourses moyennes. Aussi pas mal de maîtresses de maison étaient-elles assez embarrassées pour composer leurs menus. Il était donc nécessaire de donner un formulaire d’un nouveau genre dont toutes les recettes seraient établies sans viande et sans poisson, et où les œufs n’interviendraient eux-mêmes que comme adjuvants. […]
Le régime obligatoire des “jours sans viande” n’est plus qu’un souvenir. Il est à croire cependant que dans bien des familles, longtemps encore, cet usage persistera. Au surplus, ce régime est préconisé par d’éminents hygiénistes. Sans aller jusqu’aux exagérations des végétariens et des végétaliens, il n’est pas mauvais de se mettre parfois “au vert”, c’est-à-dire de s’en tenir à une alimentation uniquement composée de légumes et de céréales. En suivant les conseils donnés dans ce livre, cette alimentation ne sera ni monotone ni insipide. Sans faire appel à la viande ou au poisson, on pourra combiner des menus variés, conformes aux meilleurs principes de la cuisine française. (avant-propos)
Pour terminer, voici un ouvrage d’un chef connu, Henri-Paul Pellaprat : Cuisine végétarienne et régimes alimentaires : menus de régimes paru en 1937. L’avant propos est typiquement français et annonce avoir rendu le végétarisme gastronomique !
Le Végétarisme, produit d’importation, a, depuis quelques décades, traversé nos frontières et s’est présenté soit comme un moyen diététique, soit comme l’aboutissement d’une doctrine. Respectueux de l’un et de l’autre aspect et très éclectique dans ses enseignements, le Comptoir Français du Livre a estimé que ce côté particulier de la cuisine ne devait pas lui échapper. Aussi a-t-il décidé de la proposer à nos lectrices dans le présent ouvrage. Au demeurant, nous éloignons-nous tellement de la cuisine traditionnelle ? Nous ne le pensons pas et sommes, au contraire, assurés que telle pratique arrivée dans notre pays revêtue d’un austère puritanisme, a acquis en se “frottant” à notre tradition culinaire un visage avenant, voire même souriant.
Vous l’avez compris, notre chef n’est pas végétarien mais répond à une commande et à une mode, tout en rassurant ses lecteurs lectrices habituelles ! Une phrase pleine de condescendance fera bondir les végétariens : “La renommée de la cuisine française ne repose pas seulement sur la cuisine de haute élaboration, mais aussi sur la sollicitude que chaque province apporte à la préparation de ses plus humbles spécialités dont les éléments sont très souvent purement végétariens. Enfin, dans quelle famille n’est-on pas, peu ou prou, végétarien ? Dans quel ménage ne réserve-t-on pas au repas du soir un menu simple et léger, davantage pour des raisons d’hygiène que pour des motifs économiques ?”. Et son premier chapitre est une liste de maladies avec les aliments à consommer / à éviter… l’image du malade végétarien n’est pas loin… Suivent des recettes, avec quelques entorses puisque les cardons sont à… la moelle et la farce des raviolis peut contenir de la viande !
Caroline
Les carnets de Françoise Bernard 1961 – 1962
Il en traîne 2 ou 3 dans mes tiroirs. La rubrique DES AMIES M’ECRIVENT (8, avenue Delcassé – Paris 8e) en fin de carnet, ne manque pas de piment, ni de sel.
** J’ai remarqué que les haricots verts au restaurant, sont beaucoup plus verts que chez moi. Ils me paraissent bien meilleurs. Pourquoi?
** J’ai l’habitude d’éplucher les champignons de Paris. Ma belle-fille m’affirme que j’ai tort. La “nouvelle vague” aurait-elle toujours raison?
** Couper les oignons, c’est pour moi, un vrai pensum. Non seulement je pleure comme tout le monde, mais en plus je me coupe parce que, à tous coups, le couteau glisse sur l’oignon.
** Pour le camping, je n’emploie que du sucre en morceaux. Si on le renverse, ça ne fait pas un drame! Mais quand on a besoin de sucre en poudre…
** Lorsqu’on dit dans une recette, “mettez du zeste de citron”, de quoi s’agit-il exactement? Quelle quantité est nécessaire?
Il y a aussi des questions concernant la viande. Par exemple celle-ci
** Est-il vraiment indispensable de laisser faisander le gibier? Si oui, combien de temps doit durer ce faisandage?
Je ne peux m’empêcher de recopier la réponse de Françoise Bernard. De quoi vous donner envie à tout jamais de laisser tomber la barbaque.
“Au temps de Brillat-Savarin, un faisan n’était jugé digne de la table d’un gastronome que lorsqu’il atteignait un état de putréfaction presque complet. Il était bien “faisandé”… De nos jours, Dieu merci, il est consommé simplement rassis. Tout au plus, pouvez-vous faire faisander légèrement des bécasses.
La viande du gibier, tué en plein effort, est assez coriace. Il faut donc l’attendrir un peu, en la laissant rassir quelque temps. Ainsi, pour un faisan, il est souhaitable de le conserver deux ou trois jours, ni plumé, ni vidé, dans un endroit frais; vous pouvez le mettre dans un réfrigérateur. (Enveloppez bien les autres denrées entreposées dans le réfrigérateur sinon elle risqueraient de prendre une mauvaise odeur.)
Quant aux grosses pièces telles que sanglier, chevreuil, vieux lièvre, elles demandent à mariner vingt-quatre heures, ou plus, selon l’âge de la bête, dans une préparation qui attendrit et parfume la viande. De plus, la marinade retarde la floraison microbienne qui se développe pendant le faisandage que redoutent les foies délicats!”