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Un éditeur attachant, Robert Morel

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“Si je publie tant de livres sur les arbres, les herbes, les fruits, la terre et les hommes rustiques c’est que je me souviens. Je me souviens des bois, des jardins, des friches et des ruchers de mon grand-père, de mon père, lorrains, moi aussi.”

Cette phrase de Robert Morel (parue en 1970 dans le quotidien Le Républicain lorrain) donne une bonne idée de ses livres qui sont souvent autant d’éloges de la simplicité : évidents, efficaces, proches de la nature et de l’homme, de ses besoins premiers.

Né en 1922, écrivain et journaliste, Robert Morel est aussi et surtout un éditeur connu pour la production importante de sa maison, pour des choix exigeants d’auteurs, pour les maquettes originales pensées par Odette Ducarre, et pour les nombreuses collections à thème : Célébration, Pratique, Le Bien, Traditions populaires, J’aime, La Cuisine rustique, Les O…

Parmi les sujets de prédilection des éditions Robert Morel, la cuisine occupe une place à part entière. Voici quelques exemples pour vous donner une idée de ses productions et pour vous donner envie !

Le Livre des salades, de Fernand Lequenne, illustré par Marion Sabran, appartient à la collection Traditions populaires (illustration ci-dessus). Sa couverture en toile de jute verte et l’ondulation des tranches rappellent les feuilles de salade. Les feuilles de garde ressemblent aux petits napperons que l’on met sous les pâtisseries. Il a été publié à 5000 exemplaires, prouvant ainsi que l’on peut faire original et exigeant tout en étant accessible, ce que le prix généralement modéré des livres prouve encore. Le texte mêle des considérations historiques à des informations sur le jardinage ou la cueillette sauvage avant de s’arrêter sur quelques variétés comme la chicorée, la laitue, le pissenlit, les laiterons, la bourrache, les pourpiers, les crucifères ou autres ombellifères, pour finir par des propos culinaires. Ce livre est un bon exemple du style Morel où se mêlent très naturellement érudition et savoir populaire.

La couverture du Livre des soupes de Robin Howe est en toile cirée blanche, rappelant les nappes des tables populaires ; c’est un livre rond comme une assiette à potage, dont les feuillets sont réunis par deux boulons. C’est un recueil de recettes de soupes du monde entier.

Le jeu de rapport entre le contenu et la forme est récurrent. Citons encore Le Livre des confitures dont la couverture est en cuivre rappelant la bassine à cuire lesdites confitures, Le Livre des boissons dont le cartonnage est en toile de jute cognac qu’un bouchon de liège traverse de part en part pour le fermer, les volumes de La Cuisine rustique en toile cirée avec un bouton de tiroir au dos…

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La Cuisine paléolithique. 1964, réédité en 1965 et 1970.

 

Quant à La Cuisine paléolithique de Joseph Delteil, la couverture est en toile écrue avec liseré rouge comme un torchon ; un anneau de cuivre à la coiffe supérieure permet de la suspendre dans sa cuisine “entre le chapelet d’ail, les bonnes herbes et les saucissons”.*** Le but du livre pourrait se résumer à “Vivre de peu”. Si l’on peut parfois être agacé par les propos un tantinet ronchons (pour ne pas dire réactionnaires…) de Delteil, son style, le mode de vie prônée (proche de la décroissance) et l’adéquation entre le fond et la forme sont très séduisants.

“Ce livre n’est donc pas un livre de cuisine comme les autres. Ne vous attendez pas à de mirifiques recettes, à des trouvailles de gala. Ce n’est qu’un Précis d’alimentation naturelle, la cuisine brute, comme il y a l’art brut.

La cuisine paléolithique, c’est la cuisine de Dieu.

[…] Il n’y aura donc ici que 14 recettes, juste pour une semaine, mais toutes les semaines du monde se ressemblent, et voilà votre bréviaire pour toute votre vie. Encore est-ce beaucoup, ou trop, et je gage qu’Abraham faisait plus bref que moi…” (pages 14-15)

*** cette citation est extraite du colophon de La Cuisine paléolithique, c’est-à-dire la mention finale expliquant comment le livre a été fabriqué.

Caroline