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Manger et boire entre 1914 et 1918. CR 11. Les entreprises alimentaires par Marie Llosa

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RaynalLa deuxième journée était consacrée à l’arrière, avec une première rubrique sur la vie quotidienne : Marie Llosa intitulait son intervention “Produire des vivres de réserve pour l’armée en temps de guerre, les entreprises alimentaires, des industries de guerre ?”. Marie Llosa est chargée d’étude documentaire au ministère de la Défense ; elle est chercheur au laboratoire Framespa UMR 5136 de l’Université Toulouse II “France méridionale et Espagne : histoire des sociétés du Moyen Age à l’époque contemporaine  et membre du CRID 14-18. Ses travaux portent sur l’histoire des entreprises en 20e siècle, l’alimentation des soldats et les internés civils pendant la Première Guerre mondiale.

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Conserverie Amieux à Nantes. La cuissson des saucisses, janvier 1917. ECPAD

Marie Llosa consacre son intervention à l’incidence de la guerre sur les entreprises alimentaires, aux difficultés rencontrées, et aux adaptations dont elles ont fait preuve pour, d’une part, survivre et, d’autre part, répondre aux besoins d’un nouveau marché.

Au moment de l’entrée en guerre, c’est la période de la mise en boîte des légumes dans les conserveries. Les hommes partent au front et l’activité ralentit, voire s’arrête. Et pourtant la guerre sera un révélateur pour cette industrie émergente, avec des  entreprises comme Raynal-&-Roquelaure, Lefèvre-Utile, Saupiquet ou René Béziers.

Comment vont-elles s’adapter au contexte ? D’abord des unités de production sont réquisitionnées et continuent donc à travailler car la fonction alimentaire est nécessaire à la défense nationale : les boîtes du fameux singe mais aussi les conserves de poisson et les vivres de réserve (celles que chaque soldat porte dans son paquetage et ne doit utiliser qu’en cas de nécessité).

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Chocolaterie Poulain à Blois, novembre 1916. L’emballage.

Ensuite certaines ont de réels atouts. Elles sont reconnues : créées à la fin du 19e siècle, leurs patrons sont âgés et non mobilisables (Hénaf, Saupiquet, Béziers, Cassegrain), ce qui leur permet de rester à la tête de l’entreprise.

Elles fonctionnent grâce à de nouveaux personnels variés :

  • Les agents classés en sursis d’appel illimité : ce seront les “agents affectés spéciaux”, territoriaux plus âgés ou moins aptes par rapport aux critères de la conscription, qu’une loi rend d’autant plus facile à embaucher. Chez Lefèvre-Utile par exemple, qui fabrique le pain de guerre (c’est-à-dire les biscuits secs des vivres de réserve, qu’on réhydrate avant consommation), 12 agents sont affectés. Plus tard, l’entreprise pourra même reprendre son activité initiale (les petits-beurre) puis travaillera, entre autres, pour les Américains.
  • Les femmes travaillent depuis longtemps dans le secteur, ce qui est un atout pendant la guerre puisqu’une partie du personnel reste en place. Pendant la guerre, celles qui ne travaillaient pas avant 1914 auront par ailleurs souvent besoin de trouver un emploi car l’allocation offerte aux femmes de mobilisés est insuffisante pour vivre (moins de la moitié d’un salaire). Ces ouvriers mobilisés sont valorisés par leurs entreprises sous la forme, par exemple, de tableaux nominatifs exposés dans les entreprises.

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    Conserverie Raynal et Roquelaure. La mise en boîte, 1917. ECPAD

  • Les ouvriers étrangers enfin, issus des nations amies ou les internés civils venant des nations ennemies et auxquels on attribue un salaire inférieur.

Pour continuer à travailler, les entreprises alimentaires vont passer des marchés avec l’Etat. Saupiquet est l’entreprise qui travaillera et s’enrichira le plus par ce biais. En plus des marchés militaires, certaines reprendront peu à peu leur activité habituelle ou changeront même de domaine. Elles fourniront aussi les camions-bazars, les coopératives, les œuvres caritatives.

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Une coopérative militaire à Verdun, 1917. BDIC

Autre problème pendant la guerre : s’approvisionner en matières premières (fer blanc, huile, sucre…), de plus en plus difficiles à trouver (sauf pour les sardines qui viennent des eaux portugaises alliées). Pour s’adapter, on change les recettes : on remplace l’huile des conserves de poisson par de la sauce tomate, de la marinade ou encore on se contente d’un poisson au naturel, autant de façons de faire qui ont été conservées après la guerre jusqu’à aujourd’hui.

Les entreprises, pour répondre aux nouveaux marchés, créent de nouveaux produits : couscous en boîte pour les troupes coloniales (testé en mars 1916 et validé), les conserves mixtes de viande et légume (porc-haricots par exemple) pour répondre à la critique de sécheresse du singe.

Ainsi la guerre a-t-elle permis la création de nouveaux savoir-faire et la diffusion à grande échelle de produits dans toutes les couches de la population (rappelons que les conserves n’avaient rien de populaire avant guerre et étaient réservées aux plus fortunés).

Caroline

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Boîte Lu. Musée du Château des Ducs, Nantes, MH-987-14-1

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