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Les quenoël ou ma recette de quenelles de Noël

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20151029_153421_resizedMa grand-mère a 94 ans et malgré sa grande forme, elle ne fait plus les quenelles de Noël ; alors depuis quelques années, j’ai pris le relais car une saison froide sans quenelles, eh bien c’est impossible ! C’est drôle car certains de ses plats traditionnels ont été repris par les uns ou les autres, les beignets et la gougère pour l’un, les gaufrettes pour une autre et pour moi : couler la cancoillotte et rouler les quenelles.

Bon, je vais bien sûr vous parler livres mais c’est assez vain puisque ma recette est imbattable… je commence donc par celle-ci :

Faites hacher deux kilos de quasi de veau avec 500 g de graisse de veau en branche par votre boucher (les quenelles, c’est long à faire donc autant en faire beaucoup). Ajoutez 3 ou 4 œufs, quelques cuillères de crème fraîche, du sel, du poivre et râpez de la muscade sans lésiner. Formez et farinez les quenelles d’une taille inversement proportionnelle à votre patience. Jetez-les au fur et à mesure dans 2,5 litres d’eau bouillante salée (quand elles remontent, c’est cuit). Quand vous aurez tout fait et tout cuit, il restera 1,5 l de bouillon avec lequel vous ferez un roux (faites fondre 60 g de beurre, ajouter 80 g de farine puis le bouillon et laissez cuire 10 mn sans cesser de remuer).

Si vous les congelez, séparez les quenelles de la sauce (et battez-la bien au réchauffage).

Accompagnées de champignons, et notamment de trompettes de la mort pour un beau contraste, cette recette sera parfaite sur les tables de fêtes.

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Et une autre recette simplissime et gourmande, celle des quenelles de semoule à la jurassienne que j’avais dû copier il y a longtemps dans un magazine et que je fais souvent :

Faites bouillir 1/2 litre de lait avec 30 g de beurre, du sel, du poivre, jetez-y 180 g de semoule. Hors du feu, ajoutez 2 ou 3 œufs. Si besoin, refaites cuire en tournant pour assécher un peu. Formez de grosses quenelles et faites-les cuire dans de l’eau bouillante. Mettez-les dans un plat à gratin avec une sauce tomate aux herbes et du comté râpé grossièrement en abondance, passez au four.

Le fonds gourmand de la bibliothèque municipale de Dijon comporte peu de livres sur les quenelles.

quenelles-maraboutBien sûr, Marabout a le sien, dans la collection Les Petits Plats : Quenelles maison. Comme à Lyon ! L’auteur, Sandra Mahut, donne la recette de la quenelle de brochet, recette de base qu’elle décline pour tous les goûts, en sauce, en gratins, poêlées et en petits plats : polenta ou roquette, sauce cresson ou potiron, quenelles volaille-muscade & crème de châtaigne, espuma de bacon, quenelles au curry poêlées, gratin de quenelles aux cèpes ou blanquette de quenelles et bien sûr celles au brochet sauce Nantua. On y apprend que la quenelle de brochet se compose d’une panade (à base de lait, beurre, sel, poivre, farine, semoule de blé fine, œufs) à laquelle on ajoute une farce de poisson, du beurre, des œufs et des aromates.

quenelles-épureCelui de Michel Porfido appartient à une collection chouchou chez nous “Dix façons de préparer” aux éditions de l’Epure et commence ainsi : “La quenelle ? Un mauvais souvenir de cantine tout au plus ! On la dit molle, insipide, difficile à réussir… Et pourtant”. La préface précise aussi : “En 1880, Joseph Moine crée la quenelle bressane, mélange de semoule de blé dur, d’œufs frais, de beurre et de chair de brochet pilée. En 1910, Henri Giraudet reprend ce savoir-faire en offrant à la quenelle de nouvelles saveurs. Truffe, écrevisse, chair de volaille… Le cuisinier en fait un mets raffiné et varié”. En effet l’auteur est chef-cuisinier chez Giraudet, l’occasion pour nous d’aller chercher du côté de Lyon… Cela me rappelle de très bonnes quenelles de brochets, bien soufflées avec une sauce qui a caramélisé au four dans le poêlon, dans un bouchon qui s’appelait Les deux places il y a une quinzaine d’années et qui reste l’un des (nombreux) bons souvenirs gourmands de cette ville.

Ce qui m’amène à vous parler de la quenelle lyonnaise !

Dans le volume Rhône-Alpes de l’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, on apprend qu’il faut attendre la fin du 19e siècle pour faire le rapprochement entre quenelles et région lyonnaise. Jusque là, la quenelle est plutôt un plat de la haute cuisine “nationale” et les quenelles “régionales” sont attachées à l’Alsace. La première mention repérée pour des quenelles lyonnaises est dans le Dictionnaire universel de cuisine de Favre en 1890 : graisse et moelle de bœuf, chair de brochet, pâte à choux, coulis d’écrevisse. La “vraie quenelle lyonnaise” ou “godiveau” respecte, comme dans la recette d’Escoffier, des parts égales de chair de brochet, de graisse de rognon de bœuf, de panade. C’est à cette époque aussi que l’industrie de la quenelle se développe (Joseph Moyne, Giraudet).

Il faut préciser que la région est riche en poissons d’eau douce, comme le brochet de la Dombes (et en écrevisses), base de notre quenelle, ce qu’explique Ethnocuisine du Lyonnais de Josette Gontier en rappelant que les Lyonnais aiment particulièrement le brochet, allant l’acheter vivant dans les “bachots”, “petits bateaux munis de coffres percés de trous pour maintenir le poisson vivant en rivière, amarrés aux quais de Saône ou du Rhône.” L’auteur ajoute : “Grimod de la Reynière souligne qu’ayant dîné dix-sept fois en ville, au début du siècle dernier, durant le carême, il s’était vu proposer du brochet au bleu dix-sept fois.” (p. 89)

La plupart de ces quenelles sont cuites au four recouvertes d’une sauce Nantua mais elles peuvent aussi être revenues à la poêle dans du beurre ou être utilisées dans un vol-au-vent ou la sauce d’un gâteau aux foies de volaille.

La plupart des ouvrages signale qu’il est difficile de les réussir chez soi et beaucoup se contentent de proposer la recette de la sauce et d’utiliser des quenelles toutes prêtes du commerce. Cette quenelle se réalise en deux étapes ; confection d’une panade (lait, beurre, farine, œufs) qu’on laisse reposer puis d’une chair de poisson finement broyée et tamisée avec de la matière grasse et des œufs, que l’on mêle ensemble avant de former les quenelles et de les pocher.

L’almanach gourmand Rhône-Alpes 2012 d’Yves Roueche semble avoir trouvé une origine plus ancienne à la quenelle, à Nantua, sous Louis XI, et à celle de brochet à Lyon “vers 1830 sous la houlette de Charles Morateur”. Il ajoute une différence entre la quenelle lyonnaise (à base de farine) et bressane (à base de semoule de blé dur), cette dernière développée par Joseph Moyne en remplaçant aussi le gras de bœuf par du beurre et en lui donnant la forme oblongue qu’on lui connaît.

Notons que la quenelle connaît sa déclinaison sucrée, notamment chez la maison Voisin : onctueux praliné recouvert d’un nappage de chocolat blanc.

Terminons avec quelques conseils de livres alléchants de cuisine lyonnaise où vous trouverez des recettes de quenelles !

Léon-LyonD’abord Léon de Lyon, 100 ans de cuisine lyonnaise du chef, bibliophile et collectionneur de tableaux Jean-Paul Lacombe. Belle maison bourgeoise, grande table mais encore bien ancrée dans le terroir lyonnais, le restaurant était l’une des tables étoilées incontournables de la ville. Quand je vivais à Lyon, avoir rempli la carte de fidélité avec les six ou sept bistrots de Jean-Paul Lacombe permettait – aubaine pour de jeunes étudiants – de se voir offrir un repas chez Léon ! Le livre propose de belles recettes harmonieusement illustrées de la collection de tableaux représentant des cuisiniers, dont certaines nous font rêver des agapes du 19e siècle à la Brillat-Savarin comme ce parfait de foies blonds tiède au jus de truffe, chantilly à la truffe, poêlée de champignons, crête de coq ! Il propose une recette de quenelles de brochet de la Dombes à notre façon, garnies de laitance de carpe, queues d’écrevisses, sauce Nantua et une autre de brochet de la Dombes cuisiné de deux façons : en quenelle et meunière, sur une étuvée de champignons et de grenouilles.

Son appareil à quenelle comprend de la chair de brochet, des œufs, du beurre, de la crème liquide, du sel, du poivre et de la muscade.

bouchons-Lyon-DéclicsAutre classique de la capitale des Gaules, le bouchon ! Je n’ose même pas vous dire combien j’en ai testé pendant mes études de bibliothécaire car le chiffre rendrait louche l’obtention de mon diplôme…

Le livre Bouchons de Lyon de Véronique Cadenne et Anthony Serex présente près d’une trentaine de ces bistrots puis quelques-unes de leurs recettes. Celle de la quenelle revient à Wilfried Morin du Bienfait. Elle comporte une panade réalisée avec du lait, du beurre, de la farine, qu’on associe à la chair de brochet, des œufs et du beurre.

MespledeEnfin comment évoquer la cuisine lyonnaise sans parler des mères ! La quenelle faisait partie de leur répertoire comme le rappelle le livre de Jean-François Mesplède Nouvelles cuisines de Lyon. Le menu de la mère Fillioux “est immuable : hors-d’œuvre avec jambon, saucisson et galantine, volaille truffée demi-deuil, c’est-à-dire avec des lamelles de truffes glissées entre la peau et la chair de l’animal, quenelle au gratin et au beurre d’écrevisse, fond d’artichaut au foie gras truffé, fromages et glace pralinée en guise de dessert.”

Dans Les Secrets de la Mère Brazier, plus de 400 recettes authentiques, Roger Moreau donne la recette de la fameuse cuisinière “sous réserve”, précisant que “la farce à quenelles est presque matériellement impossible à réaliser dans un ménage qui ne dispose pas des machines nécessaires à sa confection” et que “le plus simple est d’acheter les quenelles dans une très bonne maison spécialisée”.

Voici cependant cette recette :

0,300 l de lait, 200 g de farine, 250 g de beurre, 250 g de chair de brochet, 8 œufs entiers, sel, poivre, noix muscade.

Faire une panade bien desséchée avec le lait, la farine et 50 g de beurre. Laisser refroidir. Passer à la machine à hacher (grille très fine).

Incorporer au mélange 200 g de beurre, la chair de brochet, 8 œufs entiers, le sel, le poivre et la noix muscade selon le goût. Travailler pendant 1/2 h.

Mettre les quenelles dans l’eau frémissante et salée pendant un bon quart d’heure. Les placer dans le plat avec la sauce. La sauce doit être bouillante. Cuire 1/2 h à four chaud.

La sauce donnée en accompagnement comprend du lait, du beurre, de la crème fraîche épaisse, des champignons émincés, un peu de farine, du sel, du poivre.

Et si vous n’êtes pas convaincu, faites la mienne, elle est inratable !

Caroline

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