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Les plus anciens menus de la collection

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1810, le menu le plus ancien de la bibliothèque, témoin d’une séance des Jurys dégustateurs de Grimod

On a l’habitude de dire que notre collection de menus va de 1810 à nos jours. S’il est vrai que le plus récent date de 2017 et que le plus ancien a été réalisé en 1810, nous conservons très peu de pièces avant les années 1860.

Une des dernières acquisitions fait partie de ces pièces particulièrement anciennes. C’est l’occasion de vous parler de la naissance des menus et de faire un peu de chronologie.

Les menus n’existent pas avant le 19e siècle, à une exception près, notable, celle des menus dits “de Choisy” sous le  règne de Louis XV, roi gastronome.

Il est communément admis que l’évolution du service des mets qui se met en place progressivement au cours du 19e siècle sur les tables européennes invente le menu tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Menu de 1844 récemment acquis : le troisième plus ancien de la collection. Il vient de Belgique.

Les grands cuisiniers Urbain Dubois et Emile Bernard écrivent en 1856, une cinquantaine d’années après l’apparition du menu (La Cuisine classique. Etudes pratiques, raisonnées et démonstratives de l’école française appliquée au service à la Russe. Paris : les auteurs, 1856).

“Les menus sont en usage dans tous les dîners, même ceux d’ordinaire, et quel que soit le mode de service qu’on leur applique ; mais ils sont surtout d’une urgente nécessité dans le service à la Russe, où le dîner va peu ou point sur table et où les convives ne peuvent être renseignés sur sa composition qu’à l’aide même de ces menus. Aussi, dans les dîners distingués, le bon genre exige-t-il que les amphitryons ou les maîtres d’hôtel aient soin d’en faire distribuer à la place de chaque invité.”

Menu du 18 mai 1826, Royal Hotel à Birmingham. Le deuxième plus ancien menu de la collection, venu de Grande Bretagne.

Jusqu’au 19e siècle, les repas de la haute société sont servis “à la française”, c’est-à-dire, en plusieurs services successifs, au nombre variable selon les époques et les occasions : les plats du premier temps sont tous posés sur table puis débarrassés afin d’installer le service suivant, composé d’autres plats, et ainsi de suite. On pourrait comparer ce mode de repas à l’un de nos buffets contemporains où l’on picore ce que l’on souhaite, à ceci près que les convives sont assis. Un code précis régit ce service, transformant le repas en véritable spectacle, grâce aux décors éphémères, à la vaisselle, et bien sûr à la quantité, au dressage et à la valse des plats.

Dans le service à la russe, qui s’imposera peu à peu, les plats sont apportés en salle les uns après les autres et présentés individuellement à chaque hôte, permettant une avancée considérable, celle de manger chaud.

Menu du 23 décembre 1845, le quatrième plus ancien menu de la collection, venu de Bavière.

Le menu permet aux convives de connaître toute la composition du repas (que l’on ne voit pas sur table, contrairement au service à la française) mais aussi de réserver leur appétit s’il est permis de passer certains plats. C’est une raison utilitaire qui serait donc à l’origine des menus.

L’histoire des premiers menus est difficile à écrire, les sources étant rares tout comme les pièces conservées. Le plus ancien pourrait avoir été réalisé à Londres en 1803 et garde la trace d’un repas servi à la française et non à la russe. Cela peut sembler contradictoire avec l’explication donnée à l’invention du menu, surtout si tôt dans le siècle. Est-ce à dire que d’utilitaire, le menu devient immédiatement une mode à respecter ou que le menu est né d’autres besoins, notamment celui de garder et d’exporter la mémoire d’un événement au-delà du hic et nunc des agapes ?

Menu de baptême daté de 1856, le plus ancien menu français de la collection après celui de 1811. On est à Douai, pas loin de la Belgique quand même.

Les menus sont rarissimes avant les années 1840. Plus on approche du milieu du siècle, plus leur nombre augmente et c’est à la Belle Epoque que l’habitude passe de la haute société à des milieux bien plus diversifiés. Il n’est alors pas ou plus seulement un petit carton utilitaire mais aussi un souvenir, une preuve du prestige, du goût et de l’hospitalité de l’amphitryon et une pièce de la décoration de table. Cette diffusion de l’usage des menus a des causes multiples dont nous vous parlerons sans doute un jour !

Quand on regarde la collection dijonnaise, on retrouve cette chronologie :

Caroline