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La gaufre du carnivore

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gaufres-résultatIl y a peu, je vous promettais une recette de gaufres à la viande heu au cochon ah non au gras n’importe quoi ! au saindoux : c’est chose faite ! Elle vient d’un vieux père dominicain, par ailleurs spécialiste de la sidérurgie lorraine, qui la livrait dans la préface d’un livre édité en 1999 et compilant les recettes de grands-mères venues des quatre coins du monde, grâce à la mémoire offerte par les élèves et le personnel du lycée professionnel Henri Wallon de Villerupt : La cuisine des grands-mères par Mireille Poulain-Giorgi.

Dans cette préface, le père Serge Bonnet commence par rappeler que les plats ‘de notre pays’ (au sens ancien de village) sont à la fois nourriture et évocation des nôtres qui ne sont plus. Puis il révèle conserver ‘avec vénération les recettes de [sa] grand-mère maternelle (Ida léger, née Cabaret 1875-1963) née aux confins de la Champagne pouilleuse’ et nous donne sa recette de gaufres.

gaufres-ingrédients

N’oubliez rien !

saindoux

beurre et saindoux

Un litre** de farine, trois œufs, une pincée de sel, une pincée de sucre, une pincée de levure, une bonne cuillerée de rhum, trois quarts de litre de lait, trois quart de litre d’eau, un quart* de beurre, un quart de saindoux***. Bien délayer. Laisser gonfler.

Puis il poursuit :

Il y a dans toute recette de cuisine une leçon de sagesse populaire, d’expérience historique et de spiritualité. La pincée de sel et la pincée de sucre, quelle trouvaille ! On raconte que dans l’ancienne Chine, il y avait institutionnellement un ministère de la gauche et un ministère de la droite. Nous avons l’habitude d’opposer avec simplisme le croyant à l’athée, le mystique au réaliste, le prophète au légiste et le catholique au protestant ! Comme il serait souhaitable que le croyant sache être libre penseur (pour mieux croire) et que le libre penseur découvre ce qu’est croire (pour mieux penser).

 Comme quoi, on a raison de penser que la cuisine aide à être moins borné et plus ouvert !

gaufres-pâte

* Revenons à la recette car sans quelques explications, vous courez à la catastrophe… Catastrophe dont ma grand-mère, 93 ans, nous a sauvés : combien pèse un quart de beurre ?! Lors de la première tentative, oubliant tout réflexe d’historien (quelle est la date de la recette ? et à cette date, quelles sont les habitudes ?) pour n’être plus que des mathématiciens rationnels, nous avons bien entendu mis dans notre pâte 250 grammes de beurre + 250 grammes de saindoux  ; un quart est forcément un quart de kilogramme, base de notre système de mesure révolutionnaire et national ! Eh non, il ne fallait que 125 grammes de chaque, ce que ma grand-mère m’a expliqué grâce à ses souvenirs : petite-fille à Paris dans les années 1920, elle se rappelait que lors du passage à la crèmerie la plus proche de la place de la Contrescarpe, sa maman demandait ‘un quart de beurre’, c’est-à-dire un quart de livre de beurre, bref la façon de présenter, emballer et vendre les produits change avec les époques.

gaufres-cuisson

** Puis revenons à nos mathématiques maintenant : pour ceux qui ont des souvenirs lointains de l’école et qui ont toujours répondu de travers à la question ‘kilo de plomb – kilo de plumes’… 1 litre de farine, ce n’est pas 1 kilo, n’est-ce-pas ? C’est comme un litre de moules, donc vous ne pesez pas mais vous versez votre farine dans un verre mesureur gradué pour les liquides.

gaufres-résultat-2

Un dessert pour les retours de randonnées hivernales surtout si vous avez la chance d’avoir de la neige

*** Et le saindoux késako ? Le Larousse gastronomique nous parle de ‘matière grasse extraite à chaud du lard ou de la panne de porc. Le saindoux (ou axonge) est une substance onctueuse et blanche. On l’utilise surtout pour les longues cuissons, mais également pour la friture (il ne se décompose qu’à 210 °C) et en pâtisserie (pâte à pâté, pie). Son goût assez affirmé s’associe traditionnellement à des plats du Nord et de l’Est, ainsi qu’à des plats auvergnats.’

Comment ça, goût affirmé ? Est-ce que j’ai une tête de goût affirmé, est-ce que j’ai l’air d’apprécier la tarte aux pommes avec un goût de cochon ou la gaufre au Nutella chocolat qui sent le lardon ? (je suis lorraine alors je suis un peu vexée…). Et, soit je n’ai plus de palais, soit le saindoux d’aujourd’hui est plus fade, mais sincèrement le saindoux ne changera pas le goût de votre pâte à tarte, il lui donnera juste une mâche bien croustillante ; c’est d’ailleurs aussi l’intérêt du saindoux dans ces gaufres : cette recette ne ressemble pas du tout aux grosses gaufres épaisses du Nord, qui ont leur charme aussi d’ailleurs (quand on vous dit qu’on n’est pas sectaire).

saindoux-beurre

La course de la vache et du cochon

Comme, en plus d’être historienne et mathématicienne (voir ci-dessus), je suis aussi scientifique, je fais des expériences dans ma cuisine : j’ai organisé un concours entre le beurre et le saindoux pour voir qui fondait le plus vite (ce n’est pas sur mes heures payées par la bibliothèque : je fais ce que je veux, hein) ; gagnant : le saindoux ; j’en ai déduit que celui-ci était plus gras que celui-là mais ça n’engage que moi (vous n’avez pas l’impression qu’on tourne en rond ? après le kilo plus lourd que le kilo, le gras plus gras que le gras).

Quand on vous dit que bibliothécaire est un métier polyvalent !

Caroline

PS : si vous ne mangez pas les gaufres de suite, passez-les au grille-pain pour leur redonner leur croustillant.

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