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De l’honneste volupté. Nos belles acquisitions n° 2

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Après vous avoir parlé de la carte de restaurant la plus ancienne de nos collections, acquise l’an dernier, attardons-nous sur un livre ancien qui ne manque plus à notre fonds depuis quelques mois et dont voici la description :

PLATINE (Baptiste Platine de Cremonne). De l’honneste volupté, livre nécessaire à la vie humaine, pour observer bonne santé, Diligemment reveu & corrigé comme est fait mention à la page suyvante. Lyon : Benoist Rigaud, 1571.

Le premier livre de cuisine imprimé

Premier livre de cuisine imprimé en Europe, largement réédité sur tout le continent et traduit dans plusieurs langues vernaculaires, le De honesta voluptate et valetudine est aussi d’un grand intérêt de par la personnalité de son auteur Bartolomeo Sacchi et l’originalité de son propos.

L’auteur, lettré, membre de l’Académie romaine, proche des grands et des humanistes romains de son temps, se réclamait de la philosophie d’Epicure et s’inspira du mode de vie gréco-latin, loin de la morale chrétienne, dans son ouvrage, en prônant les plaisirs de la table. D’origine modeste, sa réussite romaine et sa vie tumultueuse (il connut la torture et la prison sous Paul II) en font un personnage passionnant.

Le principe du livre est de lier bonne santé (valetudine) et plaisir de manger (voluptate), sans tomber dans la débauche (puisqu’on reste honesta), en proposant à la fois un discours théorique sur la diététique qu’il vulgarise (la théorie des humeurs et la correspondance entre le tempérament de chaque personne et les aliments) mais aussi un choix très pratico-pratique de recettes issues du grand cuisinier contemporain, Maestro Martino. Cette correspondance entre un savoir libéral et un art mécanique fait une grand part de l’originalité de l’ouvrage.

Pages sur le melon : où l’on apprend que sa nature est froide et humide et qu’il est conseillé de boire un bon vin (de nature chaude) après… d’où le melon au porto qui tient son origine de la théorie des humeurs !

L’édition lyonnaise de 1571

Publié pour la première fois vers 1473-1475 à Rome, l’ouvrage fut réédité trois fois dès 1475 ; on en compte sept éditions avant 1500 (dont 2 en italien et 6 en Italie) ; une vingtaine d’éditions latines se succèdent jusque 1538, à Venise, Bologne, Paris, Cologne, Bâle, Strasbourg, le positionnant comme un texte important dans toute l’Europe.

Rapidement les éditeurs le traduisent en langue vernaculaire, italien d’abord, puis français et allemand. La première traduction française (Le Platine en françois), en 1505 chez François Fradin, est de Desdier Christol, prieur du monastère de Saint-Maurice de Montpellier, qui enrichit la partie diététique du texte. Seize autres éditions françaises ont été repérées dans les différentes bibliographies jusque 1586.

Le ‘Platine en français’ est, avec Le Viandier, le principal livre de cuisine en France. C’est à Lyon et à Paris qu’il sera le plus diffusé, notamment à Lyon chez Benoist puis Pierre Rigaud.

Les sauces, l’un des chapitres de recettes les plus augmentés dans la version française. “Les condiments, sauces et épices pour exciter l’appétit perdu et le goût endormi”

Une édition assez rare

Si ce livre a intéressé la bibliothèque, c’est aussi du fait de sa rareté. Aucun autre exemplaire n’a été trouvé en vente au moment de l’acquisition, ni aucune autre édition en français. Dans les collections publiques françaises, le catalogue collectif de France en indique 9 exemplaires dans 8 établissements (bibliothèques municipales de Châlons-en-Champagne, Lyon, Rouen, Le Mans, Besançon, BU de médecine de Montpellier, Sainte-Geneviève et 2 exemplaires à la BnF), dont deux incomplets. Mary Ella Milham dans son article « The vernacular translations of Platina’s De honesta voluptate » en recense par ailleurs cinq exemplaires dans des bibliothèques étrangères.

L’introduction : où l’auteur se défend par avance des critiques qui pourraient lui être faites. Sa volupté n’est pas gulosité mais mesure de bien vivre.

Pour en savoir plus

Le Platine en françois d’après l’édition de 1505. Préface de Silvano Serventi et Jean-Louis Flandrin, transcription de Mathilde Ribot. Orthez : Manucius, 2003.

Livres en bouche, cinq siècle d’art culinaire français. Sous la dir. Sabine Coron. Paris : Bibliothèque de l’Arsenal, 2001. pages 39, 44, 51, 55-57, 62, 93-94, 98-99, 109.

Mary Ella Milham. « The vernacular translations of Platinas’s De honesta voluptate ». In Gutenberg-Jahrbuch, 1979, p. 87 sqq.

Et une édition en latin, incunable de 1499, De honesta voluptate ac valetudine.

Caroline

 

 

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