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Chocolats

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Boisson des dieux, privilège de la noblesse et des familles aisées, le chocolat ne devient nectar des peuples qu’à partir du 19e siècle et de sa démocratisation, permise par l’industrialisation.

Le bon uasge du thé, 1687, cote 1767 pressoirLe bon uasge du thé, 1687, cote 1767 pateNous avons vu dans un précédent article comment est fabriqué le chocolat, à partir de la fève de cacao, dans l’Amérique centrale des origines, comment aussi il est apprécié et accommodé en fonction des cultures et des pays.

Un ouvrage publié en 1687, Le bon usage du Thé, du café et du chocolat…, comprend de nombreuses figures permettant de mieux comprendre de quoi l’on parle, et notamment la fabrication elle-même : la presse à dégraisser et la préparation de la pâte de cacao, avec un homme passant le rouleau sur une pierre.

Cette image reste très proche de l’illustration de l’intérieur d’un atelier de fabrication de chocolat dans un ouvrage de la fin du 18e siècle (dont nous conservons un fac-similé dans le fonds gourmand) : L’art du distillateur liquoriste, contenant : le brûleur d’eaux-de-vie, le fabriquant de liqueurs, le débitant ou le cafetier-limonadier, publié initialement par Jacques Demachy en 1775.

L'art du distallateur, 1775 reprint 1984, G III 8764, fabrique de chocolat

L’art du distillateur liquoriste…, 1775, reprint de 1984, G III-8764

L’intérêt de cette représentation commandée par Demachy pour illustrer son ouvrage réside notamment dans les explications qui l’accompagnent : à gauche une pierre à broyer, à droite une pierre à raffiner sur laquelle l’ouvrier broie la pâte avec le rouleau. À l’arrière-plan, de droite à gauche : mortier de marbre et son pilon de buis pour piler le sucre et les aromates, mortier de son pilon de fer, pour broyer le cacao, tablettes de chocolat tout fait. L’auteur précise également ce qui n’a pas été représenté : “le Dessinateur a oublié les moules en biscuit, la poële à grille le cacao, & le van pour l’éplucher.” Nous ne saurons donc pas à quoi tout cela pouvait bien ressembler…

Il ajoute une description des tasses destinées à boire du chocolat : “elles sont différentes des tasses à café en ce qu’elles sont hautes & tiennent au moins le double” et sur la façon de reconnaître au goût un bon chocolat en pâte : “Enfin, en mâchant un peu de chocolat, il doit se fondre doucement dans la bouche, ne laisser apercevoir sur la langue aucune aspérité, y répandre un frais agréable, & se dissoudre entièrement dans la salive”.

Le 19e siècle voit le début de l’industrialisation en Europe. La fabrication du chocolat, jusqu’alors artisanale, se fait désormais aussi en usine. Grâce à l’évolution des techniques, le chocolat et les gourmandises que l’on compose avec deviennent progressivement des produits de consommation courants. En 1815, l’usine Van Houten ouvre à Amsterdam.

C’est en 1862 que s’ouvre la première chocolaterie dijonnaise, au 73 rue des Moulins, au lieu-dit “Battoir décorce” (à proximité du parc de la Colombière). Elle est créée par l’industriel Théodore Truchot Mauverney, qui exerce alors en tant que “distillateur-chocolatier”. Truchot Mauverney dépose deux marques de chocolat : “Chocolat pour tous” et “Chocolaterie universelle”, avant de délaisser le boisson divine pour se consacrer à… la moutarde.

En 1887, la maison de chocolats Duthu-Tixerand est rachetée par le Comptoir des Thés et des Chocolats, compagnie créée en 1770 à Paris par Henri Duthu, “pharmacien-chocolatier” de la reine Marie-Antoinette. Elle devient alors la chocolaterie Duthu, et est rachetée ensuite par un dijonnais : L. Breuil.

Duthu non coté boutique Liberte

Rue de la Liberté, aujourd’hui encore, on peut voir les armes de la boutique “Au Prince de Condé”, sur la droite juste avant la place de la Libération (en venant de la place Darcy). L’enseigne, ainsi que des boîtes de chocolats (vides !), sont aujourd’hui conservées au musée de la vie bourguignonne. L’atelier est situé place Bossuet : il fait également office de boutique. L’image ci-dessous ornait les boîtes de chocolats Duthu dans les années 1920-1930.

Duthu atelier boutique place Bossuet - Copie

Henri Breuil, à la suite de la mort de son père au cours de la guerre de 14-18, interrompt ses études de médecine pour reprendre la chocolaterie familiale. Il y adjoint une pâtisserie en 1935 et prend sa retraite à 72 ans, en 1960.

Duthu non coté sachet papierSa femme lègue les collections et documents professionnels d’Henri Breuil à la bibliothèque municipale de Dijon en 1973. Cet ensemble, particulièrement riche et intéressant, est aujourd’hui conservé à la bibliothèque patrimoniale. Nous avons donc la chance de conserver de nombreux imprimés, éphémères et documents d’archives liés à son activité professionnelle !

Ouvrages techniques traitant de biscuiterie et de chocolaterie, emballages de confiserie, photographies, catalogues publicitaires, cartes de chocolats, mais aussi bien sûr… recettes ! Sous la forme de plusieurs carnets manuscrits, comprenant aussi bien des plats salés que des chocolats et pâtisseries.

Henri Breuil s’intéressait également aux activités de ses confrères, et c’est grâce à lui que nous possédons des documents publicitaires relatifs à un autre établissement gourmand dijonnais : la chocolaterie Lanvin. c’est en 1912 qu’Auguste Lanvin déplace son usine de chocolats en Côte-d’Or. En 1921; il rachète la chocolaterie de la famille Burrus, située rue Chabot-Charny.

Lanvin publicite

C’est avec Pierre Lanvin, qui prend la main en 1926, que la chocolaterie se développe. Elle déménage boulevard Carnot, où elle s’étend bientôt du n° 10 au n° 16. Pierre étend le marché de sa compagnie au territoire de toute la France, et dans les années 1930 est le premier à avoir l’idée des cartes de chocolat à insérer dans les produits. C’est lui encore qui lance le fameux escargot, emblème et succès de la marque, en 1935. Son fils Étienne, quant à lui, a l’idée de faire dire à l’artiste surréaliste Salvador Dali, dans le cadre d’une campagne publicitaire d’envergure : “Je suis fou de chocolat Lanvin”.  La petite entreprise, devenue grande, a résisté bon an mal an aux périodes de guerre et de rationnement, mais périclite lors de la crise des années 1970. À partir de cette période, elle est rachetée à de nombreuses reprises et n’est plus aujourd’hui dijonnaise.

Pour achever cette balade chocolatée dans les rue de Dijon, passez donc par le fonds gourmand, vous y trouverez de nombreux documents contemporains sur le chocolat !

Marie

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2 Responses

  1. Avatar PONTET Dominique 29 mars 2016 / 7 h 28 min

    Les “anciens” dijonnais se souviennent de l’agréable odeur de chocolat qui flottait aux alentours du boulevard Carnot.

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