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Apprenez à déguster la charcuterie bourguignonne

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En introduction, la présentation du dernier agenda culturel de la BM, Bibliomnivore de mars-avril, avec le blog en une ! et nos trombines : Caroline ici

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L’agenda mars-avril de la bibliothèque. Mathilde et Marie là

Vendredi 13 février à 19h, la bibliothèque accueillait la première séance ‘Apprenez à déguster’ de l’année, consacrée à la charcuterie bourguignonne. ‘Apprenez à déguster’, c’est une animation régulière qui associe une conférence à une dégustation, la culture et la gourmandise, le cerveau et les papilles ! Les intervenants sont très variés, historiens, producteurs, artisans, cuisiniers, écrivains… et les sujets aussi : de la cuisine gauloise aux insectes, de la pôchouse à la cuisine malgache, du miel à la cuisine des plantes sauvages, en passant par le comté. Ici, Marie vous narrait la riche et gourmande rencontre avec Claudine Vincenot et Hubert Anceau en novembre dernier.

Cette fois-ci, il s’agissait d’en savoir plus sur la charcuterie de notre région mais aussi et surtout de nous entretenir avec un artisan et de découvrir un métier, son histoire et ses enjeux contemporains, en compagnie de Jean-François Mitanchey, boucher, charcutier, traiteur bien connu à Dijon.

Et il n’a pas déçu les 70 personnes venues l’écouter ! Avec son accent “de la terre” comme il dit, ses yeux rieurs et ses qualités d’orateur, cet enfant d’un petit pays près de Nolay a conquis son auditoire avec son flot d’informations et sa façon maligne de nous interpeller par des expressions bien trempées et imagées !

Jean-François Mitanchey, on le connaît depuis longtemps parce que c’est chez lui que les collègues de la bibliothèque Port-du-Canal s’approvisionnent quand ils organisent un repas avec des intervenants et je l’ai rencontré ‘en vrai’ à l’occasion d’un concours de jambons persillés. Puis, en préparant la soirée, il m’avait expliqué la démarche qui est la sienne depuis les années 1990 : refus des additifs et poudres de perlimpimpin, retour à des recettes de bon sens, utilisation de viandes bien élevées !

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Le public salle de l’Académie, pendant la conférence

Après avoir retracé rapidement l’histoire du métier de charcutier (la séparation entre les différents métiers de la cuisine et de la viande au cours du Moyen-Age, le rôle des porcs, ‘agents voyers’ des villes, l’anecdote du fils de Louis VI tué en tombant de son cheval après qu’un cochon se fut jeté sous ses sabots, l’autorisation au seul prieuré de Saint-Antoine de laisser divaguer ses porcs dans Paris au son d’une clochette…), puis avoir parlé de la charcuterie à la campagne et à Paris (le ‘présent de cochon’ c’est-à-dire l’organisation dans les villages pour tuer son cochon en alternance afin de disposer de viande fraîche de la Toussaint à Pâques, les spécialités selon que l’on fume ou que l’on sale, le ‘cochon gras’ et ses 18 cm de gras sur le dos permettant de s’approvisionner en saindoux*, le rôle de la capitale dans l’affinement des produits), notre invité abordait les grandes transformations du siècle dernier : l’apparition des charcuteries fines, de la croûte qui se mange (jusque là la croûte ne servait qu’à cuire mais on ne la mangeait pas), le taux de graisse à la baisse (“Même si les médecins n’ont pas encore ramené leur fraise”), l’élargissement des recettes (vers le poisson par exemple), la naissance du métier de traiteur dans les années 1950 et de traiteur de réception.

Dans la partie suivante, il en venait à deux grandes questions contemporaines :

  • la mauvaise qualité des produits induite par le productivisme : J.-F. Mitanchey admet que dans les années 1950-1960, on a commencé à faire n’importe quoi, avec de mauvais ingrédients. Il cite notamment l’exemple du jambon industriel : à partir de 100 kg de viande mise en cuisson, on sort 105 kg de jambon supérieur, 150 kg (!) de jambon de base et même plus pour les blocs gonflés de polyphosphates qui servent à des préparations peu ragoûtantes… Il évoque aussi les services vétérinaires et de répression des fraudes qui peuvent les en…quiquiner mais  dont il salue le travail efficace face à tous les producteurs malhonnêtes ; il ajoute même craindre qu’ils ne soient plus aujourd’hui assez nombreux.
  • les régimes excluant à tort la charcuterie alors que seule l’exclusion de la mauvaise charcuterie a un sens ; en effet, un produit honnête, c’est de la viande, du gras (dont on a besoin), des aromates, des épices, des herbes, des oignons, bref du bon !  Il raconte alors une rencontre décisive avec le professeur Cabrol qui admettait volontiers qu’il y avait charcuterie et charcuterie… et de le citer : “Quand on arrive à 60 ans, il faut boire du vin chaque jour : un demi-verre de blanc à midi et un demi-verre de rouge le soir”. Dont acte !
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Jean-François Mitanchey

J.-F. Mitanchey arrive alors à la question de l’organisation du métier (les fédérations départementales et régionales, la confédération au niveau national) et d’une autre forme de regroupement des artisans : la Confréries des Chevaliers de Saint-Antoine, confrérie de professionnels, dont notre orateur est bailli pour la Bourgogne-Franche-Comté mais aussi au niveau national. Née à Paris en 1963 (notre région est le premier bailliage régional dès 1965), elle a pour objectifs de mettre en valeur des jeunes talents (dans certaines régions, il n’y a plus d’artisan)  et de valoriser les produits de qualité, notamment par des concours (jambon persillé, rillettes comtoises, rosette, terrine de lapin d’Auxerre, jambon de Luxeuil…).

Enfin, il évoque la formation qui fut un temps un réel problème puisque l’apprentissage fut il est vrai considéré comme une voie de garage pour élèves en difficulté scolaire plutôt qu’une voie noble vers l’excellence ; on manque pourtant encore aujourd’hui de bons professionnels.

Avant de passer à la dégustation, Jean-François Mitanchey nous explique les produits qu’il a apportés pour nous :

  1. du jambon persillé, produit emblématique d’une partie de la Bourgogne même si son origine est inconnue. La gelée Mitanchey, c’est : du persil bien sûr, un peu d’ail, et du vinaigre de vin bien goûteux. Il en produit… 2,5 tonnes pour Pâques (beaucoup de Dijonnais mettent ce produit sur la table pascale).
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  2. une terrine de campagne dont la recette date des années 50, sans liant, juste des œufs et de la farine.
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  3. un fromage de tête (OH ! dans la salle) dont la couleur grise est juste le signe qu’il ne comporte par de colorants.
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  4. un saucisson cuit
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  5. enfin, un nom qui attire des ah ! et encore des ah ! : les grattons… du… gras de cochon qu’on fait fondre avec de l’eau puis qu’on… frit, d’où une texture crousti-fondante, principal attrait de cette spécialité.
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Toutes ces recettes sont réalisées à partir, soit de ses propres cochons (J.-F. Mitanchey est un des rares bouchers-abatteurs de Bourgogne), soit de porcs certifiés franc-comtois (bêtes de qualité nourries du sérum des fromageries nombreuses de la région). A ce propos, il évoque ses bêtes qu’il va souvent voir, qu’il caresse, qu’il “gratte” mais qu’il ne considère plus comme des animaux mais comme de la viande dès lors qu’il les a choisies.

Et pour vraiment finir, il dévoile quelques recettes à la demande de la salle : le boudin noir (recette familiale) à base de sang bien sûr mais aussi d’oignons qui ont sué dans du saindoux pendant 4 heures, de panne, de crème, sel, poivre, 4 épices et… marc ; et le boudin blanc (recette centenaire de la maison Pou à Paris) à base de viande blanche de porc et de volaille, de lait parfumé d’aromates, oignons, carottes, persil, girofle… et d’œufs.

A la fin de la conférence, M. Mitanchey nous parle d’un nouveau type de commande pour les traiteurs, les buffets sans porc, nécessitant que l’artisan fasse preuve d’imagination dans ses recettes pour respecter le cahier des charges : il explique son attachement à tenir parfaitement ses engagements et donne l’exemple de la gelée faite à partir de pieds de veau. Ayant senti que la salle réagissait à ce sujet, notre équipe gourmande s’est dit qu’il était temps de travailler à un projet qu’elle a en tête depuis plusieurs mois sur la question de l’alimentation et des religions : notamment les cultures alimentaires de l’islam, du judaïsme et du christianisme, et aussi les interdits alimentaires des trois monothéismes. Nous vous tiendrons au courant !

* A propos du saindoux il faut que je vous livre une vieille recette de gaufres de nos campagnes, que le saindoux rend merveilleusement croustillantes ! A découvrir bientôt sur Happy Apicius !

Caroline

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