Imprimer cet article Imprimer cet article

Une nouvelle expérimentation culinaire de la Grande Guerre

Share Button

Je suis toujours épatée quand j’assiste à une démonstration du chef à domicile Hubert Anceau : il cuisine (bon jusque là, on est d’accord, c’est normal) tout en expliquant ce qu’il fait ET en donnant des informations historiques sur ses préparations.

pdt-soufflées

La cuisson des pommes de terre soufflées

Le 4 mars 2016, il était invité par le Musée de la Vie bourguignonne dans le cadre de l’exposition ‘Mobilisés, Dijon au fil de 14-18’. Nous l’avions déjà fait venir à la bibliothèque pour une séance sur la cuisine d’Henri Vincenot et je l’avais vu officier au Musée archéologique sur la cuisine antique. Bref, je suis fan !

Son intervention au Musée portait sur la cuisine de guerre, sujet qui nous est cher, vous commencez à le savoir ! En 2014, lors des journées d’études ‘Manger et boire entre 1914 et 1918’, nous avions travaillé avec le Lycée hôtelier du Castel pour proposer des dégustations de pains de guerre, de gâteaux et entremets dont les recettes étaient tirées de recueils de cuisine économique pour ménagères de la période. L’historienne Emmanuelle Cronier a consacré un article du livre Manger et boire entre 1914 & 1918 à cette question de la cuisine expérimentale. Et les fiches recettes de ces journées sont disponibles ici, tout en bas de la page.

chefAnceau-livre

Le chef recommande Manger et boire entre 14 & 18

En arrivant (incognito, lunettes noires et trench), j’ai eu le plaisir d’entendre le chef expliquer qu’après avoir été décontenancé par la demande du musée, il avait foncé dans notre fonds gourmand et avait dévoré notre livre. Vous imaginez comme je me rengorgeais sur ma chaise au premier rang. Chers collègues de la BnF, il a aussi indiqué que Gallica, la bibliothèque numérique nationale, était une mine de richesses !

table

La belle table d’Hubert Anceau

Place aux choses sérieuses.

Comme toujours, Hubert Anceau avait préparé une grande table, aussi belle que pédagogique, avec les ingrédients qu’il utilise et/ou ceux qui sont typiques de la période, parfaite façon d’entrer directement dans le sujet, avec les légumes, les boîtes de conserve, les pots de moutarde réutilisables, le goût pour le viandox, le bouillon Kub et les arômes Maggi ainsi que le vin et la gnôle.

Le singe fondant

singe-soupe

En fin de cuisson, le chef verse le singe dans la soupe !

Première recette, une soupe grasse aux légumes et au singe, issue d’un livre de cuisine militaire d’avant-guerre : Ordinaires, livre de cuisine militaire aux manœuvres et en campagne. Sur ce sujet vous pouvez voir aussi nos articles ici et , et le livre Manger et boire bien sûr. Je m’explique, soupe grasse car on y met une bonne dose de lard ou de saindoux, aux légumes parce qu’on y trouve des carottes, du chou et des oignons et au singe parce qu’en fin de cuisson on y dépose une boîte de bœuf en conserve qui fondra et apportera protéines et goût. Avant de servir, on dépose dans nos quarts (eh oui, le musée va jusque là dans sa reconstitution !) des petits morceaux de pain, histoire de retrouver les gestes de nos aïeux pas si anciens. C’est l’occasion pour Hubert Anceau d’évoquer le rôle de la boîte de conserve, les marques comme Hénaff, Cassegrain, Raynal & Roquelaure ou encore Saupiquet mais aussi l’équipement des cuisines du front, les concours de recettes lancés par Prosper Montagné, la prise en compte des particularités alimentaires des troupes d’Afrique et la naissance du couscous en boîte.

Le fameux rata

rata

Le célèbre rata

Recette n° 2, le rata dont Marie Llosa nous a déjà parlé.

Le nôtre est à base de patates, d’oignons et de lard. La recette est tirée du même livre.

Ça ressemble à une potée heu… sans la viande ! Cette recette de base de la cuisine militaire finissait pas lasser les soldats quand le cuistot ne lui donnait pas un peu de caractère grâce à sa cueillette du jour ou à son ingéniosité, l’occasion de parler de toutes les améliorations que les soldats avaient fini par mettre en place pour améliorer l’ordinaire.

La reine patate

pdt-soufflées2La troisième recette est tirée d’un ouvrage de la bibliothèque dont on vous a déjà parlé, La cuisine française économique et hygiénique en temps de guerre de Benjamin Renaudet : les pommes de terre soufflées, qu’on peut servir salées ou sucrées. Il s’agit d’une pâte à base de purée et de farine dont on fait de petites rondelles qui seront frites. L’occasion de rappeler qu’il fallait avoir les moyens de faire de la friture (il faut de l’huile et du combustible) et qu’on pouvait frire au saindoux ou en utilisant des récupérations de gras de cuisson.

J’avais pour ma part testé une autre recette à base de pomme de terre de cet auteur, un gâteau sucré à découvrir ici !

Australian and New Zealand Army Corps

ANZACPour le dessert, Hubert Anceau nous parle des fameux biscuits ANZAC, que les femmes des troupes australiennes et néo-zélandaises envoyaient à leurs époux sur le front européen et qui devaient résister à ce long voyage. Pour les faire il a repris la recette d’Emmanuelle Cronier, spécialiste de la cuisine historique. Les ingrédients sont : flocons d’avoine, noix de coco, farine, sucre, beurre fondu, golden sirup et bicarbonate de soude. Le résultat est un délicieux biscuit croquant et plein de goût qui existe encore sous cette dénomination aux antipodes.

Et le pain alors ?

painKKBien entendu, pas de repas sans pain au début du 20e siècle. Hubert Anceau s’est prêté au jeu de la réalisation du pain KK que vous retrouvez sur le blog dans le CR de l’intervention de Nina Régis (dans le livre aussi bien sûr) et dans cet article sur nos… miettes. Hubert Anceau a utilisé de la farine de seigle, du son de blé et de seigle, des pommes de terre cuites avec leur peau, du malt et du levain maison. Le résultat ressemble à ce que nous avons déjà goûté dans les reconstitutions du Castel, un pain noir, moelleux voire pâteux, au goût de miel… bref un pain qui a les faveurs de nos papilles du 21e siècle. Bien sûr ce pain était frais et n’avait pas subi l’adjonction de paille ou de sang séché, attention à ne pas se comparer aux Allemands qui connurent la famine !

Pour finir, un clin d’œil aux poilus

gâteau-feuilléeEn fin de séance, Hubert Anceau réalise devant nous une recette coup de cœur qu’il a trouvée dans le Bulletin des Armées, à la rubrique cuisine : une recette envoyée par un poilu qui la nomme, avec la poésie propre au soldat “gâteau fond de feuillée”. C’est une boule de pain qu’on étête et qu’on gorge d’un  sirop fait avec un mélange de gnôle et de sucre qu’on fait flamber et auquel on ajoute du thé. Ensuite on la recouvre d’une crème de chocolat-eau-sucre.

Merci Hubert Anceau et merci le Musée de la Vie bourguignonne !

Caroline

Commentaires sur les réseaux sociaux

Laissez un commentaire sur facebook

Commentaires sur les réseaux sociaux

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*Nom :


(Vos commentaires seront modérés)