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Mosaïques, les climats du vignoble de Bourgogne s’exposent à Beaune

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Que peuvent avoir en commun un manuscrit, une estampe et une carte des vins ? Tous les 3 racontent à leur manière l’histoire des climats et du vin de Bourgogne. Tous les 3 ont quitté les murs de la bibliothèque patrimoniale pour prendre quelques vacances à Beaune*. On vous rassure, cette excursion est temporaire, elle ne durera que le temps de l’exposition Mosaïques, les climats du vignoble de Bourgogne : des paysages, des arômes et des hommes. Jusqu’au 27 novembre, vous découvrirez au musée des beaux-arts les multiples composantes du vignoble, son évolution vers la recherche de l’excellence, depuis l’époque médiévale avec le rôle des communautés religieuses et des Ducs de Bourgogne.

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L’exposition s’amorce avec une plongée dans le vin à travers les arts, la culture populaire et la publicité, avec notamment des planches du manga Les Gouttes de Dieu, que nous connaissons bien à la BM. Viennent ensuite des salles dédiées au génie des hommes et des femmes acteurs de la Bourgogne viticole puis les appellations et le commerce du vin, ainsi que ses usages sociaux. Une question nous prend au détour de la 3e salle : “La Bourgogne viticole, un patrimoine culturel ?” Les choix scientifiques et les angles de vue originaux et intelligents proposés par Laure Ménétrier et Sonia Dollinger, respectivement conservatrice des musées et directrice des archives et du patrimoine de la ville de Beaune, semblent nous pousser, si besoin était, à une réponse fort positive !

Enfin, après toutes ces découvertes, un espace sensoriel permet de tester son nez avec des bocaux à sentir. On a été déroutées par certaines d’entre elles, fières de reconnaître la truffe, mais très embêtées de respirer à pleins poumons l’odeur de “moisi” du vin bouchonné, qui rappelle des souvenirs malheureux et des espoirs déçus à l’ouverture d’une bouteille soigneusement choisie, qui promettait pourtant d’être bonne…

L’exposition se poursuit au musée du Vin de Bourgogne et à travers un parcours photographique, dialogue entre l’ancien et le contemporain, dans le centre historique de Beaune.

La bibliothèque a prêté notamment La dissertation sur la situation de Bourgogne : sur les vins qu’elle produit, sur la manière de cultiver les vignes, de faire le vin, et de l’éprouver… de Claude Arnoux, qui est en réalité un fac-similé de l’édition de 1728 (Luzarches : D. Morcrette, 1978), dont nous avons déjà parlé dans notre premier article sur les climats.

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Natif de Beaune et ancien prêtre du diocèse d’Autun émigré à Londres, Claude Arnoux renoue avec sa Bourgogne natale grâce à l’édition de ce manuel avant l’heure. Il y distille ses conseils aux amateurs anglais désireux d’acheter des vins bourguignons, les incitant à contacter les marchands commissaires beaunois.

Au delà des considérations sur le goût des vins, leur robe, leurs arômes et sur la codification de la dégustation qui se précise, ce livre occupe une place importante dans l’histoire des vins de Bourgogne pour trois raisons.

Tout d’abord, il témoigne d’un début de mutation pour la viticulture bourguignonne dont la dimension économique s’affirme grâce au négoce naissant et à son rayonnement à l’international. Ensuite, il marque l’affirmation de la caractérisation des vins pas leur origine géographique. En effet, Arnoux estime nécessaire que les courtiers et les commissaires sachent discerner « le choix des cantons d’où sortent les vins […] lorsqu’ils goûtent les vins qu’ils veulent envoyer dans les païs étrangers ». Il entérine la hiérarchisation des crus déjà en germe. La provenance et la référence au lieu-dit deviennent petit à petit la marque de l’authenticité du produit à la fois pour ce qui est du goût et pour limiter les fraudes.

Enfin, l’ouvrage comporte la toute première représentation de la côte viticole.

Arnoux dresse et dessine cette carte. Il considère que les terres sont moins fines à partir de Chalon et que cela n’est pas utile de les figurer. Les cartes postérieures s’arrêtent elles aussi avant Chalon, on peut donc supposer que cette figuration créé un modèle. Les crus les mieux connus de l’époque y sont inscrits avec une orthographe qui diffère de la nôtre. Si le rideau de colline paraît quelque peu disproportionné, les informations apportées par ce dessin s’avèrent réellement intéressantes.

Milsand 11373 (2)Vient ensuite le manuscrit de Joliet, Ordre de la boisson sous le titre distinctif des Francs-buveurs bourguignons, Dijon, le 1er janvier 1813. L’Ordre de la Boisson et de la stricte observance est une confrérie bacchique créée au tout début du 18e siècle, dont les membre se réunissaient lors de fêtes et festins autour de Villeneuve-lès-Avignon. Dans ce manuscrit bourguignon, daté de plus d’un siècle plus tard, aucune référence n’est faite à l’original… Outre le nom, Joliet reprend une partie des statuts de la confrérie provençale, ainsi que sa devise : Donec totum impleat : “Jusqu’à ce qu’il soit plein”.

Les Francs-buveurs bourguignons forment une société de membres réunis autour de la bonne chère et du bon vin, dont le siège est situé à Beaune. Dans l’organisation, rien n’est laissé au hasard : le frère garde des caves, appelé frère Pressoir, a la lourde charge de la réception des vins envoyés à la confrérie, et les quatre frères sommeliers, celle de veiller à ce que personne ne quitte la table “avec la soif”… lors des vingt-quatre banquets annuels (repas à cinq services) imposés par les statuts. La décoration de la salle est réglée de même.

A la table en forme de fer à cheval (ça ne vous rappelle rien ?), le Grand Maître préside, et porte pas moins de sept toasts, au père Noé, au dieu Bacchus, au frère Dom Gomblet (ancien moine de Cîteaux, désigné Grand Maître à perpétuité après être mort le nez dans une cuve de vin), puis aux vignerons, tonneliers et verriers, figures tutélaires et artisans garants des arts de la boisson. Les vins dégustés ne sont pas exclusivement bourguignons : vins de Bordeaux, de Champagne et liqueurs de Turin font partie de chaque banquet. C’est là toute la différence avec la bourguignonne et bien connue Confrérie des Chevaliers du Tastevin, qui ne cache pas s’être inspirée elle aussi de l’Ordre de la Boisson provençal lors de sa création dans les années 1930, mais qui pour sa part s’attache à déguster et mettre à l’honneur les vins bourguignons (on les comprend).

La lithographie de Louis-Léopold Boilly (1761-1845) d’après Jacques Autreau, datée de 1830, est réputée représenter Piron avec ses amis. Il s’agit d’une copie de la peinture originale de Jacques Autreau intitulée Les buveurs de vin conservée au Louvre. Elle pourrait tout à fait être signée Boilly pour le dessin tant elle est proche des portraits de groupe et scènes de genre qui caractérisent son œuvre. Ce dernier s’est fait connaître par la représentation de la vie des petites gens, de certains personnages plus connus et d’intérieurs bourgeois tout à fait dans cette veine.

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Nous sommes ici dans un moment de la vie quotidienne. Selon l’interprétation d’origine, c’est Alexis Piron qui, à gauche, est attablé avec ses amis Charles Collé (au centre) et Pierre Gallet (à droite), hommes de lettres et chansonniers comme lui. Ils sont en train de boire et la chose n’est pas surprenante quand on sait qu’ils sont à l’origine d’une goguette, la société du caveau, fondée en 1729. Cette association donne lieu à des agapes bien arrosées lors desquelles des chansons grivoises sont entonnées. Alexis Piron a une réputation de joyeux luron justifiée par ses épigrammes comme par son tempérament jovial. Jean-Robert Pitte, dans son Dictionnaire amoureux de la Bourgogne, nous explique que

« Piron, jusqu’à sa mort, aura besoin chaque jour de deux bouteilles de vin de son pays ». Il ajoute que cela « démontre la sagesse de la posologie puisqu’il [Piron] a vécu quatre-vingt-quatre ans. »

Res 2725 (6)C’est à Gabriel Lavrut que l’on doit l’édition de notre Carte des vins du Relais gastronomique Paris-Est (Paris, 1958), qui contient une préface de Pierre Andrieu, des poèmes de Jean-Marie Eylaud, des eaux-forte de Louis Guidot pour l’Alsace et la Bourgogne, des gravures sur cuivre au burin par Raymond Gautier-Constant, une typographie de Michel Vettiner, et son tirage en taille-douce par G. Visat. Notre exemplaire porte le n° 114.

Gabriel Lavrut est responsable du restaurant Relais gastronomique Paris-Est, buffet de gare devenu restaurant réputé et fier détenteur en 1958 de deux étoiles au guide Michelin. C’est à lui que l’on doit l’édition de cette carte des vins peu banale qui, au-delà de la simple fonction pratique, se fait présentation à la fois artistique et poétique de la prestigieuse cave du restaurant. Si l’on en croit Carmen Tessier, qui publie la même année Le Bottin de la Commère – Pour bien manger à Paris, le sommelier est à même de proposer à ses clients une bouteille de leur année de naissance, quelle qu’elle soit.

Res 2725 (8)Les auteurs ne sont pas choisis au hasard : Pierre Andrieu, œnologue réputé, président de l’Union Internationale, Gastronomique & Vinicole des Journalistes & Écrivains, signe la préface de ce qu’il nomme un “Album d’Oenophile & de Bibliophile” . Jean-Marie Eylaud, œnophile, est également poète. A lui de mettre en vers les vins et alcools fins du restaurant, à travers une écriture littéraire des émotions vinicoles et de la dégustation. Entre les vins et les mots, l’image n’est pas oubliée, et les différents artistes convoqués font la part belle aux paysages et aux hommes et femmes du vin. Nous dirions aujourd’hui : à son patrimoine.

Avec 240 propositions à la carte, c’est la Bourgogne qui est incontestablement mise à l’honneur.

On remarque la mise en avant, sur la carte, des vins tastevinés : si la pratique est aujourd’hui courante, ce n’est pas encore le cas en 1958. Gabriel Lavrut, juré-commandeur du Tastevin, en est l’un des initiateurs. Les noms des crus et des domaines font toujours rêver, de même que les millésimes, et cette carte poétique est devenue aujourd’hui une trace de l’histoire gastronomique et vinicole. Comme l’écrit Jean-Marie Eylaud au sujet des Hospices de Beaune :

“Si vieux qu’il soit le grand Vin date de plus loin encore que l’année où il est né.”

A l’heure où nous écrivons ces lignes – pour utiliser l’expression consacrée – le catalogue de l’exposition n’est pas encore sorti, mais cela ne saurait tarder ! En attendant, vous pouvez retrouver certaines de nos œuvres et documents se rapportant au vin dans le catalogue Dijon de vignes en livres, disponible à la bibliothèque patrimoniale.

* Plus d’images de l’exposition et des 8 œuvres prêtées par la BMD sur notre Pearltrees “Prêts expo 2016” .

Nathalie et Marie, qui aiment bien prêter des œuvres et aller en visite chez les collègues, surtout quand elles sont aussi sympathiques !

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