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Happy apis, ou Comment j’ai récolté du miel sauvage

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la-grange-aux-abeilles

La grange aux abeilles, derrière la fenêtre (cliquez !)

Depuis plus d’un an, nous guettions une ruche installée dans la grange de ma grand-mère. Comme les temps sont durs pour les abeilles et que celles-ci avaient l’air mal en point, R. les a nourries cet hiver avec du sucre de canne délayé dans de l’eau, sur les conseils d’un collègue bibliothécaire-apiculteur-collectionneur de littérature apicole (dont le portrait viendra bientôt !). Malheureusement, ça n’a pas suffi et les abeilles ont déserté.

Alors pendant le week-end de Pâques, on a fait séance de sciences nat’ avec les enfants et on a enlevé les rayons pour les observer. Et là… miracle, du miel en coulait encore !

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Après que chacun eut trempé son doigt dedans, ça aurait été ballot de ne pas en profiter davantage… mais sans équipement, ça reste artisanal.

Les apiculteurs disposent de cadres alors que notre miel est à l’état sauvage, cadres qu’on peut étendre pour que le miel s’écoule. Ils ont aussi une centrifugeuse pour faciliter l’opération.  Alors que ce qu’on a fait n’est pas très… orthodoxe ! En mettant le miel et les morceaux de rayons dans une casserole au bain marie très très doux, puis en passant le tout au chinois, on a pu récupérer quelques petits pots d’un mélange de miel et de cire. passer-miel-2Un peu trouble et avec quelques morceaux de rayon mais notre miel !

pots-de-miel                                                       Et voici le résultat, un miel liquide, doré, avec une couche blanche de cire qui se reconstitue à la surface et qui croque dans la tisane au tilleul, un miel très doux mais quand même parfumé des fleurs du jardin et des champs alentours !

Bien sûr, c’est l’occasion pour Happy Apicius de parler livres et pas seulement de vous raconter mes occupations dominicales.

Il existe de très nombreux livres sur le miel et ses bienfaits, le miel et ses recettes et même des manuels d’apiculture.

MS 493 f45 détail

BM Dijon, Ms 493,  Oeuvres de Virgile (cliquez pour voir le manuscrit numérisé), Les Géorgiques, folios 19 à 52. Ici le folio 45

Un petit intermède en latin pour commencer…

Qui te, Pollio, amat, veniat quo te quoque gaudet ;

mella fluant illi, ferat et rubus asper amomum.

Que celui qui t’aime, Pollion, parvienne là où il est heureux de te voir arrivé ! Que pour lui le miel coule en ruisseaux, et que la ronce piquante produise l’amome.

C’est Damète qui parle à Ménalque au moment de leur joute poétique, dans la IIIe Bucolique de Virgile (dans la traduction d’un bon vieux Budé de 1925).

Et voici les tout premiers vers des Géorgiques du même Virgile, texte poétique sur la culture de la terre (traduction Budé, 1982) :

Quid faciat laetas segetes, quo sidere terram uertere, Maecenas, ulmisque adiungere uitis conveniat, quae cura boum, qui cultus habendo sit pecori, apibus quanta experientia parcis, hinc canere incipiam.

Ce qui fait les grasses moissons, sous quelle constellation, mécène, il convient de retourner la terre et d’unir les vignes aux ormeaux ; quelle sollicitude exigent les bœufs, quels soins l’élevage du petit bétail, quelle expérience les abeilles économes, voilà ce que je vais me mettre à chanter.

Au fait : apis, is, nom féminin = l’abeille

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La Cannaméliste français, 2e édition (1768). BM Dijon, FA II-109

Pour continuer, je vous propose quelques recettes du 18e siècle, tirées du Cannaméliste français, paru à Nancy, et qui est un dictionnaire consacré à l’office, c’est-à-dire au travail du sucré (cannamelle est le nom ancien de la canne à sucre). On trouve bien sûr une entrée à MIEL, que vous trouvez reproduite ci-dessous. L’édition de 1768 est numérisée sur Gallica.

Et voici quelques recettes :

MELLAROSE, est un petit fruit d’odeur semblable à une petite orange, & de la couleur du citron, quoiqu’un peu plus foncée ; ce fruit provient d’une branche de bergamotte entée sur un oranger : on le confit comme les autres fruits d’odeur.
Mellarose, est une boisson qui approche beaucoup de la limonade.
Manière de la faire

Vous mettrez quatre pintes d’eau fraiche dans une terrine, & y zesterez un cedra, deux oranges, une bergamotte, quatre citrons ; vous y exprimerez le jus de ces fruits, & ajouterez encore le jus de deux citrons ; au lieu de sucre, vous y mettrez du miel de Narbonne à votre goût ; battez bien le tout ensemble ; passez-le par une étamine, & le mettez dans des bouteilles. Lorsque l’on a des mellaroses, on ne met point de cedra ni de bergamotte.

MELIMELUM, est une confiture de coings ou de pommes, que les anciens faisoient avec le miel des abeilles. L’on fait cette confiture de la même manière que l’on confit le coing, à l’exception que l’on se sert de miel au lieu de sucre.
Melimelum vient du mot latin de mel & et de malum, qui veut dire miel & pomme.

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Le Cannaméliste français, entrée MIEL, page 142.

Pour terminer avec les recettes du Cannaméliste, je ne pouvais faire autrement (nous sommes à Dijon quand même !) que de vous donner celle du pain d’épice…

PAIN-d’épice. Mettez dans une terrine trois livres de belle farine, & deux livres de sucre en poudre, avec du cloux de girofle, de la canelle, de la coriandre & de la muscade, de chaque espèce un quart d’once, que vous reduirez en poudre, & passerez par un tamis ; ajoutez-y une once de rapure de citron, & une once de citron verd confit, que vous couperez par petits morceaux, avec une livre et demie d’amandes douces pralinées au blanc. Quand vous aurez ainsi tout ceci préparé, faites boüillir une pinte de miel de Narbonne, dans lequel vous jetterez une goutte d’esprit-de-vin ; sitôt que vous le verrez boüillir, ôtez-le tout-de-suite du feu, & versez-le sur votre farine, où vous aurez mis tout ce que j’ai marqué ci-devant ; délayez le tout ensemble avec une spatule pendant l’espace d’une heure ; mettez votre pâte sur une table, & donnez à vos pains-d’épices, telle figure qu’il vous plaira ; dressez-les sur des feüilles de papier, lesquelles vous poudrerez auparavant de farine ; faites-les cuire à un feu doux ; pour les lever, laissez-les refroidir ; brossez-les, & les glacez de même que les biscuits à l’Allemande apellés Listlen. Comme les pains-d’épices, pour être bons, dépendent des goûts, l’on peut modérer les épices, & l’on peut se servir de toutes sortes d’écorces confites, & mêmes y mettre des dragées.

 Parmi les livres les plus récents, il y en a un (Le miel, un livre gourmand de Sylvie Girard-Lagorce chez Minerva) qui est à la fois très beau avec des photos léchées, très instructif sans entrer trop dans les détails si votre objectif n’est pas de vous lancer dans la construction d’une ruche, et très gourmand puisque qu’après chaque chapitre il offre un choix de recettes variées, par exemple :

A bientôt pour le portrait d’un apiculteur-bibliothécaire !

Caroline