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Cacao, Xocoatl… Chocolat !

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C’est en 1502 que s’établit le premier contact entre les Européens et le chocolat : Christophe Colomb aperçoit des fèves de cacao dans une pirogue, à l’occasion d’une escale au Nicaragua. Il ne sait alors pas de quoi il s’agit, et n’en saisit pas l’importance. En 1519 Hernàn Cortés, lors de sa rencontre avec l’empereur Moctezuma II en la ville de Mexico-Tenochititlanx, découvre que les aztèques fabriquent avec ces fèves une boisson, le xocoatl, qui est sacrée. Les fèves de cacao servent également de monnaie. Cortés s’approprie la plantation impériale de Manialtepec et inaugure, à son profit, le commerce du cacao avec l’Europe, qu’il introduit à la cour d’Espagne dès 1528.

Histoire generale des Antilles, Cacau, 1667-1671, D.15585

Histoire générale des Antilles habitées par les français, tome II, 1667, cote D15585, planche 289, n° 12 : Cacau

Les sources écrites et figurées sur le chocolat se rencontrent dans les récits de voyage, les ouvrages de médecine, de botanique, de religion et de cuisine. Il s’agit d’une plante nouvelle, de contrées nouvelles, et ses vertus médicinales comme son statut théologique sont tout d’abord débattus. Le chocolat est alors consommé sous forme de boisson, et le reste durant de nombreuses années. C’est un produit cher, réservé aux classes sociales les plus aisées. Chaque culture développe sa propre manière de l’accommoder, son propre goût du chocolat, et au fil du temps il est introduit dans la cuisine et la pâtisserie, décliné sous forme de friandises et, plus récemment, de tablettes.

D 15103 - Cacaoyer

Flore pittoresque et médicale des Antilles, par Descourtilz, 1833, cote D. 15103, planche 266 : cacaoyer cultivé

Phytanthoza-Iconographia,1737-1742, cote 10985, planche N 277 (3)

Phytanthoza-Iconographia, 1737-1742, cote 10985, planche N 277, Cacaos, Cacavifera, Chocolat

Les fruits du cacaoyer (ou cacaotier dans les textes anciens), les cabosses, sont coupés pour révéler les fèves. Celles-ci apparaissent alors protégées par une pulpe blanche, que l’on retire (elle est comestible mais peu consommée).

Les fèves sont ensuite mises à sécher, puis torréfiées, pilées au mortier et broyées jusqu’à être réduites en pâte.

En Amérique centrale, le xocoatl est préparé avec cette pâte, à laquelle on ajoute du maïs, du sucre (extrait des cannes à sucre), ainsi que de l’achiolt (plante indigène) et du piment ou du poivre.

Du chocolate, discours curieux en quatre parties paraît en 1631 à Madrid. C’est le premier livre entièrement consacré au chocolat, alors connu sous le nom de chocolate. Il est consacré à la question de ses propriétés médicinales. L’auteur, Antoine Colmenero de Ledesma, physicien andalou, nous apprend notamment que “qui aura le foye froid & rempli d’obstructions prendra le dit chocolate avec eau de rhubarbe”. Il décrit également le cacaoyer et ses fruits et ajoute quelques recettes, pour les pressés, les voyageurs… Par la suite, le chocolat sera très souvent traité en même temps que le thé et le café dans les ouvrages.

Histoire generale des drogues, 1735, cote 17887 p 234 (2)

Histoire générale des drogues, 1735, cote 17887, page 234

Le cacao arrive en France au début du 17e siècle, avec le mariage de Louis XIII et Anne d’Autriche, fille de Philippe II d’Espagne.

En 1659, David Chaillou est le premier chocolatier français, avec sa boutique de la rue de l’Arbre sec. Il reçoit le monopole du négoce des boissons chocolatées à Paris et à la cour du roi. Il ajoute une étape supplémentaire de broyage au rouleau de fer à la préparation des fèves.

Depuis la France, le chocolat se répand à travers l’Europe et devient la boisson à la mode des plus fortunés. Au 17e siècle, les Espagnols préfèrent leur chocolat sous forme de boisson épaisse, les Français l’apprécient plus léger. Il est également utilisé en pastillage, enrobage sucré de fruits secs et d’épices (ancêtre de nos bonbons).

Le bon usage du Thé, du café et du chocolat…, ouvrage publié par de Blegny en 1687, vante les bienfaits du chocolat tout en mettant en garde contre une consommation excessive.

Il comporte de nombreuses planches descriptives :

Le bon uasge du thé, 1687, cote 1767 cacaoyer Le bon uasge du thé, 1687, cote 1767 pate Le bon uasge du thé, 1687, cote 1767 moussoirs

Le bon usage du Thé, du café et du chocolat, pour la préservation et la guérison des maladies, par M. de Blegny, 1687, cote 1767, pages 203, 247 et 274

 

La plante : “cacavifere ou  arbre du cacao”, les fruits : “cacao ou fruit du cacauifere”, mais également la préparation de la pâte, avec une presse à dégraisser et un homme faisant la pâte, enfin les moulinets, ustensiles utilisés pour faire mousser le chocolat à l’intérieur des chocolatières (appelés par la suite moussoirs).

L’année suivante, en 1688, Philippe Sylvestre Dufour, commerçant à Marseille et détenteur d’un cabinet de curiosités célèbre, publie les Traitez nouveaux et curieux du café, du Thé et du Chocolate, agréablement sous-titré Ouvrage également nécessaire à tous ceux qui aiment leur santé.

L’auteur décrit le cacao, le cacaoyer, la préparation de la pâte, mais donne également des détails sur la dégustation et la diversité des goûts. Il reprend enfin ses vertus médicinales et inconvénients pour la santé.

À la fin du 17e siècle, François Massialot est un cuisinier des cours européennes et appelé dans différentes maisons à l’occasion des grands festins. C’est lui qui, le premier, a l’idée d’employer le cacao, sous forme de poudre, en cuisine. Son Cuisinier roial et bourgeois de 1691 comprend 2 recettes : une de crème de chocolat et une de… macreuse en ragoût au chocolat (la macreuse est une sorte de canard), où le chocolat est utilisé comme une épice ou un aromate, à côté du poivre et du laurier.

Envie de tester la crème de Massialot ? La voici :

Crême de chocolat

“Prenez une pinte de lait & un quarteron de sucre que vous ferez boüillir ensemble un quart d’heure; & après, vous délaierés un jaune d’œuf que vous mettrez dans la Crême, & vous la ferés boüillir trois ou quatre boüillons. Otés-la ensuite de dessus le feu, & mettez-y du Chocolat, jusqu’à temps que la Crême en ait pris la couleur. Après, vous la remettrés trois ou quatre tours sur le feu ; & l’ayant passé dans une étamine, vous la dresserez où il vous plaira.”

À la fin du 17e siècle, le chocolat a gagné toute l’Europe et devient un produit plus répandu. Au 18e siècle, il est vendu sous la forme de billes chez les marchands épiciers droguistes, en boisson préparée chez les maîtres limonadiers. Les théologiens s’accordent à autoriser le chocolat, du moins sous la forme de boisson, durant les périodes de jeûne. Le père Hacquet, auteur d’un Traité des dispenses de Carême en 1710, que l’on devine amateur de chocolat, croit tout de même bon d’ajouter :

“on trouvera peut-être ces liqueurs trop délicieuses dans un temps destiné à la mortification, aussi ne les conseille-t-on pas en les pardonnant.”

Ce qui ne l’empêche pas de préciser, dans un traité sur le carême et non un livre de recettes, rappelons-le : “En Italie et en France, on accompagne le chocolat de petites tranches de pain rôti qu’on trempe dedans [..] d’autres mangent un biscuit […] quelques uns prennent auparavant un lait d’amande ou un coulis d’orge.”. À ne pas lire en période de jeûne !

Nouveau voyage aux Ilsles de l'Amérique, 1742, cote 3769 cacaoyer (1)

Nouveau voyage aux Ilsles de l’Amérique, 1742, cote 3769 page 372, cacaotier ou cacaoyer

L’ouvrage Nouveau voyage aux Isles françoises de l’Amérique du père Labat contient quant à lui de nombreuses recettes : préparation du chocolat (avec notamment des considérations économiques), à l’espagnole ou à l’italienne (avec de la cannelle, de la vanille et du musc), à la manière des isles françoises, à la capucine (c’est-à-dire à la manière d’un frère Capucin des isles, qui prenait un seul repas par jour : un énorme bol de chocolat additionné de beaucoup de sucre, d’une grande quantité d’œufs, et d’encore plus de vin de Madère), à la romaine (à l’eau-de-vie), à l’eau-de-vie de Cognac (pour le “corriger”), d’une très petite dépense, aux noix d’acajou, enfin fait dans la perfection :

le chocolat “fait dans la perfection” du père Labat

Avec une pâte de bonne qualité, sans sucre ni épices, à laquelle on ajoute un peu de sucre, un œuf frais, de l’eau (pas trop !), de la cannelle et du girofle, si on l’aime relevé, et “lorsque l’eau est boüillante on la verse peu à peu dans la chocolatière, & on agite fortement la matière avec le moulinet, non seulement pour bien séparer & dissoudre les parties du cacao et du sucre ; mais principalement pour la faire bien mousser ; lorsque toute l’eau est dans la chocolatière, & qu’on a bien fait agir le moulinet, on la met au feu, où on la laisse jusqu’à ce que l’écume ou la mousse soit prête à passer par-dessus. On la retire pour lors, & on fait marcher fortement le moulinet, afin que cette mousse qui est la partie la plus huileuse du Cacao, se répande bien par toute la liqueur & la rende également bonne à la fin comme au commencement.”

À la fin du 18e siècle et au 19e siècle commencent la fabrication et la diffusion industrielles du chocolat. À Paris Henri Duthu, “pharmacien-chocolatier” de la reine Marie-Antoinette, crée en 1770 le Comptoir des Thés et Chocolats. A Dijon s’ouvrent plusieurs chocolateries, la première en 1862 rue des Moulins (vers le parc de la Colombière), plus tard “Au Prince de Condé” rue de la Liberté, puis les chocolats Lanvin… mais tout cela sera l’objet (gourmand) d’un prochain article sur Happy Apicius !

Marie

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